OCTOBRE-NOVEMBRE 2019

Au nord de la Syrie, qui est le vainqueur ?

par Antoine CHARPENTIER


Le 9 octobre, le président turc Recep Tayyeb Erdogan a lancé une offensive militaire d’envergure au nord de la Syrie, dans l’objectif d’établir une zone de sécurité, grignotant sur le territoire syrien. À quoi sert cette zone de sécurité tant voulue par le président turc ?

Ce dernier agit de la même façon qu’Israël au sud Liban sur les décennies 1980 et 1990, c’est-à-dire une ceinture de sécurité sur le territoire syrien, sous prétexte de préserver les intérêts de la Turquie face à ce qu’il qualifie de « terroristes », c’est-à-dire les kurdes. Cependant, ceci contient un message fort à destination de l’opinion publique turque. 
La zone de sécurité voulue par Erdogan sur le sol syrien lui permettra de se débarrasser des milices armées se trouvant à Idlib, et avec qui il a quelques liens, et qui sont devenues un fardeau pour la Turquie, ainsi que des réfugiés syriens. En même temps, cela donnera l’occasion au président turc de se présenter comme l’instigateur d’une solution pour la région d’Idlib.
L’intervention de l’armée turque sur le sol syrien, en vue de l’instauration d’une zone de sécurité offrira l’occasion au président Erdogan d’avoir la main levée dans les décisions politiques avenirs syriennes.
Les forces américaines et européennes stationnées au nord de la Syrie afin de soutenir et aider les kurdes de la Syrie Démocratique se sont retirées au profit de leur allié atlantiste, mais également dans le but de maintenir la Syrie dans une guerre d'usure permanente. L’intervention militaire turque sur le sol syrien ainsi que le retrait américain du Nord de la Syrie ont eu lieu après que les différents acteurs soient parvenus à un accord sur le Comité pour réformer la constitution syrienne, ce qui signifie clairement le refus des américains et des turcs de toutes solutions politiques en Syrie. 
Quant aux déclarations contradictoires de Donald Trump tantôt menaçant les turcs de sanctions économiques, tantôt critiquant les kurdes, les laissant à leur sort parce qu’ils n’ont pas aidé les États-Unis lors de la Seconde Guerre Mondiale, elles exprimaient le comble du ridicule américain. Cependant, la posture du président Trump dissimule d’autres enjeux, tel que l'effondrement de toute la stratégie étasunienne au Moyen-Orient bâtie depuis la guerre d'Afghanistan, afin de combattre la montée de l’idée eurasiste, ainsi que l’expansion de toute pensée résistante dans la région face à l'hégémonie américaine et sioniste. Si nous observons bien les postures et déclarations actuelles du président Trump au sujet de l’incursion de l’armée turque en Syrie, nous comprenons que les États-Unis sont passés d’une position d’une superpuissance à une puissance parmi d’autres.
Quant à la position de l’Europe, elle se limite à des déclarations verbales et de bavardages médiatiques. L’Europe prouve encore une fois son incapacité à s'affranchir de l'hégémonie américaine. De ce fait, elle s’est mis hors-jeux. Le manque de visibilité politique de l'Europe notamment au Moyen-Orient la pousse à se contenter des miettes que l'américain fait tomber de sa table. Cela motivera l'Europe pour se tourner un peu plus vers l'est ? 
Les syriens kurdes, notamment les partisans du parti la Syrie Démocratique, doivent cesser de prendre la totalité des kurdes en otage, revenant sous l'égide de l’État syrien, le seul qui ne les a pas utilisés pour servir ses intérêts, puis les abandonnant à leur sort, à l’instar de l’américain et de l’européen. Les kurdes de la Syrie Démocratique ont compris la leçon, pour ne pas reproduire les mêmes erreurs que le maronitisme politique au Liban ? 
Tout en essayant de mettre la pression sur la Turquie pour cesser son offensive contre la Syrie, la Russie se trouve les mains liées. Elle a besoin de la Turquie, elle ne souhaite pas un conflit généraliser dans la région, ni un choc frontal entre les armées syrienne et turque. Ce qui peut affaiblir sa position au Moyen-Orient au profit des États-Unis et ses alliés.
Photo: Bulent Kilic La Turquie et ses alliés, les rebelles de l’Armée syrienne libre, ont lancé samedi une offensive militaire dans la région d’Afrine contre les Kurdes syriens du YPG.

Enfin, l’opération turque est toujours en cours en Syrie, tandis que l’armée syrienne se déploie dans le nord parvenant à un accord avec la composante kurde. Il est probable que l’avancée de l’armée syrienne et se déploiement dans le nord syrien mettra fin aux ambitions du président Erdogan et de Donald Trump en Syrie.

A.C.

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