AUTOMNE 2021

Oscillations et déchirements volleyballistiques d’un « adopté adapté »

par Vladimir TCHERNINE


J’ai commencé à écrire ce petit billet tout de suite après la victoire totalement méritée de l’équipe de France de volley aux JO. Il y quelques années, en 1986 (et oui ça ne nous rajeunit pas) j’avais déjà couvert un événement plus que marquant dans l’histoire du volley français pour le compte d’une revue de volleyball belge qui m’avait contacté étant interprète attitré de l’équipe de France pour communiquer avec la délégation russe. J’avais gagné cet honneur dans un concours serré face à des compatriotes de la diaspora russe à Paris, aussi passionnés que moi de volley. J’étais heureux au-dessus de l’imaginable et je me disais que rien que pour ça valait la peine d’émigrer dans le pays de mon rêve, la France !
Mais revenons aux JO de Tokyo. Avant ce match historique j’ai commencé à recevoir des messages de tous les côtés ! Un ami journaliste russe, Kiril Vichinsky, m’a envoyé une blague en demandant mes pronostics : « On va vous déchirer, dit à Paris un émigré à un autre émigré russe, Genia va s’en charger ». En effet Jenia Grebennikov a été à la hauteur. Né à Rennes, donc français comme mon fils né à Paris, il est le meilleur libéro du monde !
Ça apporte un peu de baume à mon cœur popovien endolori ! Mon fils était bien sûr pour Ngapeth, Antoine Brizard et Jenia, sans parler des autres.
Ces trois-là à mon humble avis sont les meilleurs joueurs du moment et j’ai le droit de le dire puisque Alain Fabiani, le meilleur passeur français, et Laurent Tillie m’ont à l’époque dédicacé un ballon qui est pour moi une sainte relique ! Je suis particulièrement content que Laurent Tillie achève sa carrière en apothéose. Mais mon âme moscovite était du côté de Mikhaïlov et de Kluka, dont le nom signifie bâton de pèlerin et correspond assez bien à son physique !
Ceux qui ont suivi le déroulement rocambolesque des rencontres de Tokyo savent que les Français se sont retrouvés un peu par miracle en finale et en grande partie grâce aux Russes qui ont écrasé les Américains 3-0 et ensuite ont perdu contre la France 0-3 ! J’ai demandé son analyse à un grand expert devant l’éternel et ami intime (49 ans d’amitié sans faille) Éric Bourdin, prof de russe et traducteur attitré pour les « légionnaires » russes des équipes de foot (Girondins) et de volley de Bordeaux. Il reste ami avec Alexeï Smertine, Vladimir Samsonov, Viktor Kozik (entraineur du JSA du Bordeaux) qui lui ont passé illico des coups de fil et des textos pour le féliciter de la victoire amplement méritée des Français ! Alors son analyse en deux lignes : les Russes ne savent pas jouer contre les Français ! En revanche, les Français le font parfaitement bien. Leur tactique contre les équipes de « costauds » (les équipes physiques comme les Russes ou les Polonais) est simple, s’ils (les Russes dans notre cas précis) ne gagnent pas en trois sets, ils s’épuisent mentalement, font beaucoup de fautes, perdent confiance et alors, alors apparait une chance de les battre et les Français arrivent à profiter de cette aubaine avec ingéniosité, débrouillardise et talent !
Et comme j’ai toujours dit, la France est la bête noire des Russes, adorée, vénérée, mais une bête tout de même, en sport en tout cas !
La fin du match a été pour les Russes à l’image de ce que je viens de décrire, d’une tristesse et humiliation affligeantes.
L’entraineur finlandais de l’équipe russe s’appelle Tuomas Sammelvuo. Après l’attaque foirée du meilleur des Russes, Maxime Mikhaïlov, il a demandé l’image de la balle qui était au moins trente centimètres hors de la ligne du terrain. Tous les myopes-louches qui étaient dans la salle ou scotchés à leurs postes l’ont vu !
À ce moment, Ngapeth a eu un sourire mi-condescendant mi-compréhensif !
L’entraineur russe faisait pitié, c’était un geste de désespoir, un zeste d’humiliation en sus, comme si on en avait besoin ! Déjà sans drapeau, sans hymne, parents pauvres du sport mondial qui est devenu depuis longtemps un outil géopolitique à l’image de toutes les sanctions de l’Occident pour mater la Russie qui a l’insolence de défendre sa souveraineté !
Je me demande si en 1986 l’entraineur russe (Gennady Parshin) que tous les joueurs appelaient derrière son dos Otto Scartceni à cause d’une cicatrice sur la joue, aurait osé faire la même chose ? À l’époque, les caméras n’existaient pas. Tout dépendait des juges haut-perchés exposés à l’erreur humaine !
Et voilà que j’écris ce petit billet en regardant en même temps Don Giovanni au festival de Salzbourg 2021. C’est moderne, j’ai l’habitude. Et je ne parle pas des costumes qui se sont trompés d’époque, des femmes et des hommes à poil et des enfants sortant à l’improviste, des imprimantes qui descendent du ciel et des caniches qu’on fait promener à travers la scène !
Remarquez que je ne change pas de chaine, vieille andouille que je suis, intrigué de voir si le metteur en scène très tendance a rajouté encore quelque chose.
Si j’avais été à Paris ce lundi je serais allé au Trocadéro vers 18 heures pour saluer les bleus ! Ils le méritent.

V.T.

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