MARS 2018

Franz Schubert, ce « fasciste »

par Anatoly LIVRY


« Nej, nej, nej, jag är inte intressant. Schubert är intressant ! »
Ingmar Bergman, Larmar och gör sig till

L'on survit tant bien que mal dans notre univers occidental où la laideur, la stupidité, l’illettrisme, l’hystérie collectiviste, la perversité et la prostitution intellectuelle sont devenus des normes tyranniquement exigées. Pour cette raison, lorsque l'on se heurte, toujours par hasard, à l’opposé de ce chaos (c'est-à-dire à l'ordre, à la mesure et à la beauté), l'on croit que l'on a atterri dans un cercle dissident et, apeuré, l'on regarde déjà au-dessus de son épaule en se demandant quand les gendarmes de la pensée vont intervenir pour embarquer tout le monde. Telle fut mon impression lors de la première manifestation de la Schubertiade organisée au temple de Riehen, cette excroissance du demi-canton de Bâle-Ville se situant à la frontière germano-helvétique.
Honnêtement, je pense que les responsables de cet événement n'ont pas compris quelle hérésie ils avaient conçue en permettant de jouer les Trockene Blumen et la Wanderer Fantasie à un vieux maître qui méprise le microphone et se fie exclusivement à l'acoustique d'une maison du Dieu germanique qui, heureusement, a échappé aux bombes des « libérateurs » durant la dernière guerre mondiale menée contre les nations de l’Ouest. Le cadre architectural ornait la musique qui générait une seconde frontière derrière laquelle l'on s'abritait de l'océan de sauvagerie engloutissant l'Europe de tous côtés.
En somme, l'on jouait Schubert à l’ancienne, ce compositeur qui, contrairement à Mozart, avait refusé de servir une meute de seigneurs : il avait choisi cet isolement indispensable à la création, condition sine qua non à l'accomplissement personnel car une gamelle impose inévitablement un limes insupportable à tout artiste. Grâce à cette indépendance, Schubert est grandement supérieur à Mozart. Sa musique est charnellement liée à l'esprit de notre Europe, n’ayant pas besoin d'être arrangée mathématiquement pour être légère, au contraire des symphonies d'un Mozart obsédé par le nombre.
La musique de Schubert vient naturellement, comme si elle s’écoulait du haut des montagnes de la Haute-Autriche, inspirée des tréfonds de notre continent. De plus, curieusement, dans cette ville de Riehen qui se situe en Suisse entre l'Allemagne et la France, toutes les trois métissées de force ad nauseam, Schubert n'a attiré aucun auditeur issu « de la diversité ». Mieux encore : j'étais incontestablement l’unique Juif entouré d'une bonne cinquantaine d'Aryens.
Pour conclure : je pense que si Schubert avait vécu de nos jours, il ne serait pas seulement mort dans un quasi-anonymat, mais serait de surcroît calomnié par nos universitaires et nos journaleux (ce qui est actuellement la même chose) – et sa musique ne serait plus jouée après son décès. Il y a en effet quelque chose d'insupportable chez l'authentique Schubert pour notre crasse intelligentsia : c'est un génie organique qui l'est non grâce à un dressage acharné, mais parce qu'héritier d'une longue lignée ancrée dans un cadre traditionnel monoethnique, puisant dans la culture germanique exaltée de ses aïeux.

A.L.

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