FÉVRIER - MARS 2021

L’identité française n’est pas une question !

par Christian VANNESTE


L’Express ne recule devant rien pour satisfaire sa dévotion au monarque. Il offre à ses lecteurs une confession de celui-ci présentée comme un événement, histoire de lui permettre de communiquer au cœur de la trêve des confiseurs et malgré son covid bénin. La courtisanerie n’ayant pas de limite, on va jusqu’à célébrer le complet hors-sujet d’un chef de l’État qui, après trois ans n’a encore rien compris ni à sa fonction, ni à son rôle.
Le voilà qui se complaît dans une analyse du peuple qu’il est censé conduire et représenter aux yeux du monde, qu’il se vautre dans une critique de la société comme s’il n’en faisait pas partie au point d’être pour une part responsable de ce qu’elle est. Pascal Praud, dans un total contre-sens, lui prête même l’intention de sortir de l’ambiguïté du “en même temps” alors que jamais la contradiction interne de cet accident de l’histoire n’a été aussi évidente.
Que celui qui s’est constamment référé aux minorités, à la repentance historique de notre pays, et à la nécessité de dépasser le cadre étroit d’une nation de Gaulois réfractaires en allant vers l’Europe sous les applaudissements des milliardaires les plus mondialistes, se pose la question de l’identité française, atteint les sommets soit de l’hypocrisie soit de l’inconscience. Le personnage se dévoile en faisant à nouveau allusion à “l’homme blanc et à ses privilèges” : ainsi donc celui qui se demande ce que c’est qu’être français en se donnant l’apparence de la profondeur n’est qu’un esprit superficiel soumis aux modes américaines importées en France sans la moindre raison !
L’homme qui doit diriger la France n’a pas à s’interroger sur ce que sont les Français. Un Chef d’État n’est pas un sociologue. De Gaulle ne se posait pas cette question, il avait une réponse à une autre question : il se faisait une certaine idée de la France, une idée dont il voulait que les Français soient dignes, en faisant en sorte qu’ils aient le courage de la maintenir. Pour lui, la France ne pouvait pas être soumise. Elle se devait à elle-même d’être grande. Que les Français ne soient qu’une minorité à le vouloir était ainsi sans importance. C’était à lui de refaire le peuple, la nation, autour de la Libération et de la victoire.
« Ce drôle de peuple, querelleur et ambitieux » ? Cette curieuse formule a tous les défauts : elle prête à un peuple une psychologie caricaturale qui a l’immense mérite de justifier les difficultés du gouvernement. Le peuple français n’est pas plus sujet à la dispute qu’un autre comme le montre l’immense majorité des Français qui obéissent avec discipline à la dictature sanitaire et à ses errements. Mais, aujourd’hui, à force d’être sans cesse obligé de battre sa coulpe sur le passé, il manque singulièrement d’ambitions. La faute à qui ?
On se pose cette question absurde de savoir ce que c’est qu’être français parce qu’on ignore ce qu’est la France. La France est une histoire, un fleuve, qui a accueilli des affluents, à condition que ceux-ci le renforcent et ne modifient pas la nature de ses eaux. La France est un État, construit autour du pouvoir royal, qui s’est étendu par de nombreux moyens, en assimilant les nouveaux venus au sein d’une même identité marquée d’abord par la langue et la religion, le catholicisme. Elle a constamment préservé son indépendance et sa souveraineté en luttant contre l’Empire ou contre l’Angleterre, et au besoin en s’alliant aux protestants ou au Grand Turc.
La révolution ratée dont certains font son acte de naissance, par un singulier contre-sens, a introduit dans son cours ce qui correspond aux rapides ou aux cascades qui ont jalonné son histoire moderne, avec une succession de régimes et de constitutions, et de réformes constitutionnelles qui ont altéré son identité au lieu de la confirmer, ce qui aurait été obtenu avec la monarchie constitutionnelle de 1790. En dernier lieu, les portes ouvertes à une immigration déraisonnable ont conduit les politiciens à évoquer le séparatisme d’une partie de la population. Tout le problème est là : une population sur un territoire n’est pas un peuple, et encore moins une nation. Il lui faut pour cela partager un même héritage et un même projet, un même destin en somme. Le droit du sol, les nationalités multiples pour un même individu, la référence privilégiée à des traditions religieuses étrangères à l’histoire de France sont incompatibles avec cette idée.
Être français, ce n’est pas habiter en France, c’est vouloir être français en en voulant aussi les conséquences : assumer avec fierté le poids d’un héritage où les heures sombres ne sont pas les plus longues, servir les intérêts du pays sans tenir compte de toute autre appartenance.

C.V.

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