JANVIER 2018

Icônes : les couleurs de la prière

par Daniela ASARO ROMANOFF


Le mot icône tire ses origines du terme grec « eikon » dont la signification est : image. Cette forme d’expression nait dans les ateliers des artisans coptes et syriens, au VIème siècle. L’icône, manifestation de la sacralité et de la spiritualité byzantine, se répandra dans les terres d’orient.
Selon différentes sources, la première icone n’a pas été faite de main d’homme. La première image du visage du Christ est dénommée « achéropite ». Le visage a été imprimé miraculeusement sur un voile, appelé « Mandylion » (suaire). La très précieuse icône fut conservée à Édesse, ville de la Syrie septentrionale. Elle fut murée, pour la défendre des violentes incursions. Quand on la rapporta à la lumière, telle ne fut pas la stupeur de voir que le visage du Christ était resté gravé aussi sur la brique, qui avait protégé le « Mandylion ». La brique en grec est appelée « Keramida ». L’icône et la « Keramida » furent portés à Constantinople. Le 16 août, jour du transfert, est commémoré par des célébrations tant par l’Église orthodoxe, que par l’Église catholique. Actuellement le Mandalyon est dans la Chapelle privée de Sa Sainteté le Pape, à Rome.
Les icônes les plus anciennes se trouvent dans le Monastère de Sainte Catherine au Sinaï. L’une de ces icônes est particulièrement précieuse, parce qu’elle représente le passage de l’art romain à l’art de l’icône. Elle remonte au VIème siècle et représente le Christ Pantocrator, dont le regard apparait songeur. Les couleurs utilisées pour la peinture ont été diluées dans de la cendre.
La diffusion de la « prière peinte » trouva un terrain très fertile en Russie. Après la conversion de la population au christianisme, fortement désirée par Sainte Olga et mise en œuvre par son neveu Vladimir, gouverneur de Kiev, la Principauté de Vladimir-Souzdal » devint Terre de prière.
Il est important de souligner que la Foi chrétienne en Russie apporta aussi la civilisation. Vladimir voulut qu’avant d’être baptisée, chaque personne fût préparée à cet évènement si important ; c’est alors que suivant une sage décision de Vladimir des écoles furent fondées où les gens apprenaient à lire et à écrire, pour pouvoir interpréter les Textes sacrés. La langue glagolitique fut abandonnée et l’on adopta l’alphabet cyrillique et la langue génialement crée par Cyrille et Méthode.
Les écoles iconographiques de la Russie adoptèrent les canons byzantins. Dans les Écoles de Vladimir-Souzdal, au VIIème siècle, et dans celles de Novgorod, au XIIIème siècle, furent produites de précieuses icones. Le dessin très soigné, une linéarité qui s’harmonise avec les couleurs claires, constituent les caractéristiques qui expriment la spiritualité des peuples russes. 
De façon naturelle et tout à fait spontanée, le style byzantin n’est plus rigoureusement suivi, mais interprété, en laissant apparaitre le goût typique des habitants de la Russie.
Le goût des couleurs et la linéarité sont les caractéristiques qui n’ont pas changé au cours des siècles. Il faut méditer, même très longuement, sur chaque couleur. Le peintre est un artiste qui prie. Il est pleinement conscient qu’avec l’icône il offre au croyant une prière extraordinaire. La contemplation de l’icône est prière salvatrice. 
L’icône doit se détacher ce tout ce qui est terrestre. On ne trouve dans les icônes ni l’ombre, ni le clair-obscur. Créer la lumière avec les couleurs n’a aucune valeur, la lumière est donc confiée aux effets de l’or. L’or du fond et des lignes a une signification surnaturelle. En ce qui concerne la perspective, les historiens de l’art parlent souvent d’une « perspective renversée ». C’est un terme utilisé pour la première fois par Pavel Alexandrovich Florensky, philosophe, mathématicien et religieux russe. Les lignes ne se dirigent pas vers l’intérieur du tableau, mais elles convergent vers l’extérieur, ce qui fait que celui qui l’observe se sent encore plus près de l’image. Il n’y a pas de tridimensionnalité, la profondeur des regards la remplace. Les profils sono utilisés pour indiquer les pécheurs et le démon.
Tout doit être symbole et non portrait. La valeur de la personne représentée est plus ou moins grande selon son importance spirituelle. Le corps est mince, la tête et les pieds sont petits, le visage a une valeur fondamentale. L’essence des icônes réside en effet dans les regards. Normalement les yeux sont grands, souvent un peu mélancoliques, le nez est allongé et les lèvres sont minces, le menton fuyant, le cou bien visible. Il faut souligner la symétrie des icônes ; il y a un centre idéal ou tout converge. Comme nous l’avons déjà remarqué, l’or est presque toujours utilisé pour le fond, dans le but d’illuminer. Il est réalisé à la feuille d’or. L’or est la lumière qui illumine les évènements sacrés, le croyant sera guidé par cette lumière vers l’absolu.
L’icône doit être contemplée et à travers l’image-prière on médite ; de cette méditation nait spontanément une intense prière. L’icône est bien souvent plus significative que les paroles écrites. Un instrument sacré d’importance fondamentale dans l’antiquité, surtout quand de nombreuses personnes, malgré l’essor des écoles encouragé par les Princes de Russie, ne savaient ni lire, ni écrire. La musique liturgique elle-aussi eut, au cours de certaines périodes de l’histoire, la même importance que les icônes, afin de faire comprendre à tous la théologie chrétienne. 
Les icônes furent disposées dans les Églises sur les cloisons séparatives, appelées « iconostases », les cloisons qui séparent les fidèles de l’endroit où les prêtres célèbrent les Rites sacrés.
Rien dans les icônes n’est laissé au hasard. La bénédiction du Christ Pantocrator est très bien expliquée dans un livre qui se trouve dans une précieuse bibliothèque du Mont Athos.
Le peintre qui représente la main qui bénit, doit tenir compte du fait que le pouce croise le quatrième doigt, l’index et le troisième doigt restent droits, de cette façon celui qui prie pourra observer que la Sainte main, avec son geste de bénédiction, forme les initiales du nom de Jésus : IC.
Avant de réaliser une icône et pendant toute son exécution, le peintre dispose son esprit à accueillir le mystère divin, en priant intensément. Voici l’une des nombreuses prières que les artistes récitent habituellement depuis l’antiquité :
« Toi, Divin Seigneur de tout ce qui existe, illumine et dirige l’âme, le cœur et l’esprit de ton serviteur, guide ses mains, afin qu’il puisse représenter dignement et parfaitement Ton Image, celle de ta Sainte Mère et de tous les Saints, pour la gloire, la joie et l’honneur de ta sainte Église ».

D.A.R.

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