OCTOBRE 2016

Les acteurs du conflit syrien : état des lieux sur la rébellion

par Philippe GAUCHER


A la suite des protestations populaires manipulées, improprement dénommées « Printemps Arabes », qui se sont propagées comme une traînée de poudre en Afrique du Nord au début de l’année 2011 entraînant la chute des régimes tunisien, libyen et égyptien, une vague de contestation sans précédent s’est organisée en Syrie en opposition au régime de Bachar el-Assad dès le mois de mars 2011.
Celle-ci fût sévèrement réprimée provoquant alors une guerre civile sans fin, qui plus de cinq ans après, se poursuit sans relâche notamment autour de la grande ville stratégique d’Alep, au nord du pays, chaque camp ayant manifestement choisi la lutte ultime, le point de non-retour étant dépassé depuis très longtemps.
La guerre en Syrie, tout comme le furent les révolutions du printemps 2011, a bien entendu des causes endogènes et un terreau fertile de mécontentement, comme par exemple les revendications de la majorité sunnite écartée des sphères de pouvoir, mais est également et surtout sujette à de nombreuses influences étrangères devenant ainsi un théâtre d’opérations de guerre par procuration occasionnant par là même les chiffres terrifiants d’environ 260.000 victimes et 4,6 millions de réfugiés1.
Pour l’opinion publique et les médias français, gravement touchés par les attentats djihadistes depuis janvier 2015, la guerre en Syrie se résume essentiellement aux agissements et à la propagande du proto-état islamique plus connu sous l’acronyme DAECH qui depuis 2014 s’est accaparé la scène médiatique, mais les autres protagonistes du conflit sont peu évoqués et pour certains totalement inconnus. Pour autant, les différentes factions et groupes « rebelles » devenus au fil des 2000 jours de combats de véritables terroristes n’en n’ont pas moins d’impact sur la situation et méritent d’y prêter attention afin de mieux comprendre ce conflit qui s’annonce comme l’un des plus complexes de ces cinquante dernières années.

1 – Source UNHCR

1. RETROSPECTIVE DES FAITS

L’Armée Syrienne d’avant-guerre forte d’environ 200.000 hommes était considérée comme l’une des plus puissantes du Moyen-Orient, mais de qualité inégale et d’un loyalisme hétérogène envers le régime Alaouite de par sa composition à 70 % de sunnites (cohérente cependant avec la population syrienne à 74 % sunnite). 
Le régime pouvait alors compter essentiellement sur les divisions d’élite (3ème et 4ème divisions) ainsi que sur la garde républicaine et les Forces Spéciales Alaouites, soient environ 50.000 hommes très entraînés et équipés2 mais aussi réputés et craints pour leur brutalité*.
*A ce sujet, il est bon de rappeler que les forces syriennes alaouites sont héritières de 4 siècles d’occupation ottomane particulièrement sanglants, qu’elles ont été créées sous l’égide des troupes coloniales françaises de 1920 à 1943, conseillées techniquement par d’anciens Nazis réfugiés dès 1945 et entraînées par la suite par des experts du KGB jusqu’en 1990, ce qui, historiquement, ne les a jamais formées à la diplomatie et à la manière douce.3
Dès la première année du conflit cette hétérogénéité de l’Armée Arabe Syrienne entraîna une vague de défections et de désertions d’environ 30 à 40.000 hommes amenant à la création de l’Armée Syrienne Libre ou FSA dès août 2011 et en 2013 les experts de l’International Institute for Strategic Studies estimaient que les forces armées syriennes loyalistes avaient été réduites de moitié.
En réaction à ces défections, furent créées en 2013 du côté pro-régime les milices chiites Jaysh al-Sha’bi et Shahiba entraînées par le Hezbollah mais la progression et la dissémination des groupes rebelles dans toute la partie ouest du pays fût inexorable tandis que l’est allait être conquis par l’EI dès 2014.
On peut dès lors en prélude à une étude exhaustive scinder les groupes anti-régime en 5 grandes « familles » ethniques ou religieuses :

2 - Source GLOBALSECURITY.ORG
3 - Source Alain CHOUET – Conférence IHEDN AR29 

2. REPARTITION GEOGRAPHIQUE DES FORCES

Les forces rebelles à partir de 2014 se répartissent globalement selon la carte suivante, mais la réalité précise du terrain fait apparaître un kaléidoscope de groupes et factions plus ou moins affiliés ou alliés les uns aux autres au sein des 5 grandes familles citées plus haut.

*On note sur cette carte que la ville d’ALEP est celle qui se trouve à la confluence de la totalité des acteurs majeurs expliquant par la même la complexité de la situation et du conflit particulièrement dévastateur qui s’y déroule.

3. CARTOGRAPHIE DES GROUPES REBELLES HORS DAECH

La cartographie suivante dénombre pas moins de 86 groupes affiliés ou dérivant de l’Armée Syrienne Libre originelle, ces groupes constitués par alliances quelquefois instables ont durant le conflit dérivé vers un islamisme et une violence de plus en plus prégnants les rapprochant idéologiquement et tactiquement des groupes déclarés comme islamistes dès le début du conflit.
Cette radicalisation globale ayant pratiquement supprimé ceux que l’on nommait « les rebelles modérés » est due à la fois à la résistance inattendue des forces loyalistes données comme vaincues dès 2012 mais aussi à la concurrence médiatique entre les groupes et à l’apport idéologique de combattants non syriens notamment turkmènes.
Dès lors, il apparaît de plus en plus difficile sur le théâtre d’opérations de distinguer les uns des autres avec certitude. Cependant, certains groupes sont uniquement circonscrits à une zone géographique limitée comme la ville d’ALEP.
Afin d’avoir une vision exhaustive de la situation, il convient donc de réaliser une liste précise des groupes avec leur localisation.
LISTE ET LOCALISATION DES GROUPES REBELLES4
4- Sources recherches personnelles depuis 2012

CONCLUSION

Il est très difficile d’établir à ce jour le nombre exact de combattants présents sur le théâtre d’opérations syrien. A la fin de l’année 2013, ce nombre était évalué à environ 100.000 dont la moitié constituait le « Front islamique » non djihadiste.
Les effectifs de DAECH à partir de 2014 ont été évalués au maximum à 28.000 combattants donc très loin des autres groupes, qu’ils soient islamistes ou djihadistes rattachés à Al Qaeda. Cependant, sa propagande et les actions particulièrement sanglantes et cruelles largement médiatisées ainsi que ses actions terroristes hors Syrie en ont fait, à court terme tout du moins, la cible prioritaire de la coalition occidentale.
D’autre part, en observant attentivement les positionnements géographiques des différents groupes, on constate que l’expansion très rapide du « califat » s’est faite sur des zones vierges, sans réelle concurrence et dans un premier temps sans aucune opposition.
De ce fait, l’analyse réalisée et la cartographie des différents acteurs nous démontre que l’éventuelle et hypothétique disparition de DAECH sur le terrain ne réglera en aucune manière le conflit syrien.
Ce conflit ne pourra se régler qu’à partir du moment où toutes ses composantes auront été prises en compte, militairement d’une part, mais aussi et surtout politiquement.
Une question demeure à ce jour sans réponse, la Syrie, issu des accords de Sykes – Picot du 16 mai 1916 suite au démantèlement de l’empire Ottoman a-t-elle encore un avenir ou se dirige-t-on vers une inévitable partition ?

P.G.

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