FÉVRIER 2017

L’Union européenne et le christianisme

par Anna GICHKINA


L’Europe n’arrête pas de rejeter son identité chrétienne. Mais pourquoi les choses se passent-elles de cette façon ? On pourrait distinguer trois facteurs contribuant à la disparition de cette tradition européenne fondamentale : la déchristianisation commencée dès le XVIIIe siècle et fortement accentuée à notre époque, le refus de l’UE de respecter le fondement chrétien commun pour tous les pays membres et l’immigration massive. 

Commençons par le processus de déchristianisation se caractérisant non seulement par la disparition du sentiment religieux mais aussi par le détachement des peuples d’Europe de leur histoire et par l’oubli de leur identité chrétienne. Ce phénomène se manifeste aujourd’hui de plus en plus dans tous les domaines de la vie de l’Homme : culture, manière de vivre, train de la vie quotidienne, façon de penser. Ce qui semblait naturel et établi des millénaires durant dans les mœurs et les cœurs des Européens est en train de se ruiner à une vitesse impressionnante. Ce tourbillon engloutit l’Homme dans son entonnoir dévastateur agissant sur sa vision des relations sexuelles, de la naissance, de la mort, de la vie en général en modifiant cette vision, ce qui entraîne, par exemple, la destruction de la famille traditionnelle. Des convictions élaborées le long de nombreux siècles ne sont plus prises en considération.

Le deuxième facteur concerne le problème institutionnel de l’UE. Cette dernière n’admet pas une vision historique commune du monde, propre à tous les pays de l’Occident.

Elle demeure désunie dans tout ce qui concerne l’histoire, la stratégie, la culture et la spiritualité. L’Europe rejette la base historique commune qui est la tradition chrétienne. Elle essaye coûte que coûte de s’en débarrasser et le plus rapidement possible.

Le péché originel de l’UE consiste en son refus d’accepter, malgré les appels du Vatican, que les racines de l’Europe se trouvent dans le christianisme et dans la civilisation gréco-romaine, les seuls maillons capables d’unir l’Europe divisée.

Malgré la présence historique non négligeable des chrétiens démocrates au sein du gouvernement européen, malgré le leadership d’Angela Merkel représentant le parti « Union chrétienne-démocrate », la plupart des décisions prises par le Conseil de l’Europe sont clairement orientées vers la déchristianisation totale. Les fils tissant aujourd’hui des liens entre les pays d’Europe sont : la monnaie, les finances et l’économie. Cette situation rend stérile tout appel d’une nature non-économique à l’union dans l’Europe. Parler des racines et des traditions c’est parler de la nation. L’Europe semble également oublier que l’État ne peut exister qu’à condition de l’existence de la nation. Et la nation ne peut exister, quant à elle, sans racines et traditions fortes. La nation est ainsi un élément indispensable pour l’existence et le bon fonctionnement de l’Europe. Le dictionnaire Larousse indique qu’une nation est un « ensemble d’êtres humains vivant dans un même territoire, ayant une communauté d’origine, d’histoire, de culture, de traditions et constituant une communauté politique ». Il s’agit d’une entité collective historique des individus incarnée dans la tradition nationale et dans l’identité culturelle. Il n’existe rien de supérieur à cette entité. Dostoïevski, par exemple, était persuadé que « тот, кто теряет связи с своею землей, тот теряет и богов своих, то есть все свои цели1 ». Parlant du patriotisme exemplaire des personnalités historiques russes il est curieux de mentionner la pensée d’Alexandre Soljenitsyne selon laquelle il faut être fidèle non pas à son État mais à sa Patrie car nous sommes les fruits plutôt de cette dernière. La Patrie est le patrimoine des dizaines et des dizaines de générations qui furent avant nous et qui seront après nous. Selon l’écrivain, nous n’avons pas le droit moral de devenir la génération qui trahira ses aïeules et ses descendants2. Le troisième facteur contribuant à la disparition de la tradition chrétienne en Occident réside dans la présence massive des immigrants (aujourd’hui on dit plutôt « migrants » tellement le flux des étrangers illégaux est considérable et tellement il est hors tout contrôle) issus le plus souvent de la culture musulmane. Cette situation cause non seulement des perturbations sociales et sociétales mais aussi le détachement des peuples d’Europe de leurs racines chrétiennes. Nous pouvons toujours espérer que des musulmans se convertissent au christianisme mais ce phénomène reste très peu fréquent en raison de l’essence ontologique de l’islam, religion autoproclamée parfaite et la seule qui est vraiment juste car « il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah et Mohammed est Son messager ». 

Nous sommes tous différents, les uns sont conservateurs, les autres – libéraux, mais tous ensemble nous constituons une nation. « Seule l’entité est véritable3 » – dira Hegel dans son Phänomenologie des Geistes. Pour le conservateur libéral Nicolas Berdiaev le sujet de la nation représentait une grande importance. Il voyait la nation comme une des valeurs humaines universelles qui doivent être défendues.

Selon le philosophe, l’Humanité a toujours rêvé de l’union du genre humain et c’est normal. Elle ne peut réussir cette union qu’en passant par la nation. L’opposition de la nation à l’Humanité, de la pluralité nationale à l’union pan-humaine s’avère ainsi absurde et insensée.

De la même manière, il est inadmissible d’opposer une partie à l’entité ou un organe à l’organisme et de voir la perfection de l’organisme entier dans l’élimination de la pluralité de ses parties et de ses organes4.

Ainsi, les sociétés, les peuples, les pays ne peuvent pas exister sans le minimum de solidarité unissant les Hommes. La tradition chrétienne, source de l’amour et de la liberté, est incontestablement en amont de cette solidarité (dans notre cas européenne).


A.G.


1«  […] celui qui n'a plus aucun lien avec sa terre, perd aussitôt ses dieux, c'est-à-dire ses buts. », Fëdor Dostoevskij, Besy [Démons] [1871-1872], SPb., Azbuka-klassika, 2007, p. 644. 

2Aleksandr Soljenitsyne, Россия в обвале [La Russie sous l'avalanche], Paris, Fayard, 1998.

3Cf. Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Phänomenologie des Geistes, Bamberg und Würzburg, Joseph Anton Goebhardt, 1802.

4Nikolaj Berdjaev, « Konec Evropy » [Fin de l’Europe], in Nikolaj Berdjaev, Sud’ba Rossii [Destin de la Russie], M., 1918.

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