FÉVRIER 2016

Interview d'un volontaire français :
Nicolas Pierrot

par Elena SYDOROVA

- Présentez-vous s’il vous plaît.

- Je m'appelle Nicolas Pierrot. Mon nom de guerre est Kolia-Khan (en russe Коля-Хан). J'ai 40 ans. Je suis né est j'ai vécu une grande partie de ma vie en exil en France, mais je suis issu d'une grande famille noble de l'empire russe dont une partie s'est réfugiée en France après la guerre blanche.


- Racontez-nous l’histoire de votre famille.

- Au IXème siècle, mon ancêtre de l'époque est un Capitaine de la marine byzantine qui se voit attribuer un titre de noblesse et des terres sur les côtes Nord de la Mer Noire lorsqu'il prend sa retraite. Son nom est Balaboukha (en russe Балабуха).

À la fin du XIIème siècle, un autre de mes ancêtres (le plus célèbre de tous) nommé Temüdjin, uni les clans tatars et devient Tchingis-Khagan.

Au XIVème siècle, les Boyars de Crimée s'allient à Tokhtamych-Khan pour vaincre les Barines et mettre fin aux guerres féodales de cette époque. Le Boyarine Balaboukha épouse une descendante de Tchingis-Khagan pour sceller cette alliance.

Au XVIIème siècle, Ataman Balaboukha est le « bras droit » et 1er officier de Bohdan Khmelnytsky lors de la grande révolte contre les Polonais et la fondation de l'Hetmanat cosaque de Crimée sous protectorat du tsar Alexis 1er de Moscovie.

Au XVIIIème siècle, Petra Balaboukha est le premier importateur de cacao est fabriquant de chocolat russe.

Au XIXème siècle, un architecte français nommé Antonin Barillot vient s'installer en Crimée pour construire le palais d'été des tsars à Yalta. Son fils deviendra consul de France à Yalta, et sa petite fille épousera l'Ataman Igor Balaboukha (mon arrière-grand-père).

Lors de la guerre blanche, Igor Balaboukha rejoint l'armée du général Denikine et envoie sa femme et son fils se réfugier en France.

Lors de la seconde guerre mondiale, Yura Balaboukha (fils d'Igor, devenu en France « Georges Balabouka ») est un héros de la résistance française contre le nazisme.

Lors de la guerre froide, le second fils d'Igor (mon grand-oncle), le Colonel Andreï Igorevitch Balaboukha, ingénieur en aéronautique militaire du KGB, conçoit les systèmes de propulsion à réaction des différents MIGs et missiles balistiques de l'URSS.

En 2015, Nicolas Pierrot, petit-fils de Yura Balaboukha, revient de France pour défendre le peuple du Donbass contre la junte ukrainienne…


- Vous êtes venu de quelle région de la France ? Quelles sont ses particularités culturelles ? En France vous étiez un chef cuisinier, pourquoi vous avez choisi ce métier ?

- Je viens de l'île de Corse, où j'ai vécu 9 ans. Je suis né dans la région de Lorraine, mais j'ai grandi et vécu une bonne partie de ma vie dans la région de Franche-Comté. J'ai également vécu un an à Paris, et 4 ans à Darmstadt en Allemagne (ville de la famille de la tsarine Alexandra, épouse de Nicolas II). J'ai été marié 2 ans dans ma jeunesse avec la fille aînée de la ministre française de l'environnement de l'époque (Dominique Voynet), avant de réaliser que j'étais beaucoup trop aventurier pour supporter une vie aussi stable et sérieuse.

Avant de venir dans le Donbass, je travaillais depuis 10 ans comme cuisinier dans divers restaurants, après m'être reconverti par une formation professionnelle pour adultes. Je suis également passé par différents secteurs professionnels : vigneron, ingénieur du son, maçon, agent de sécurité, et secrétaire comptable…


- Quelles sont vos principes de vie ?

- Sur ce point-là, il faudrait vraiment que j'écrive un livre pour pouvoir tout expliquer... Mais je vais essayer de dresser une ébauche.

Sur le plan politique, les gens qui se considèrent « de droite » me traitent de « gauchiste », alors que ceux qui se pensent « de gauche » trouvent que j'ai des idées « de droite ». En réalité, je méprise les deux côtés et essaie un maximum de me tenir à l'écart de la politique, même si ma vie m'a souvent obligé à en faire un minimum (comme nous tous...). Si on faisait une synthèse de toutes mes idées, on devrait me qualifier de « monarchiste libertaire écologiste et anarchiste sur le plan économique ». En temps de paix, j'ai toujours été pacifiste. Mais à partir du moment où l'on agresse et massacre mon peuple d'une façon monstrueuse, il n'y a plus de pacifisme possible pour moi : c'est la génétique héritée de mes ancêtres Khans et Atamans qui prend le dessus, et il n'y aura aucune pitié pour les agresseurs...

Sur le plan religieux, je crois en Dieu et je respecte les croyants de toutes les religions tant qu'ils ne sombrent pas dans l'intégrisme, l'intolérance et l'obscurantisme. Je respecte énormément la parole du Christ et son œuvre de vie, mais j'ai tendance à me méfier de ceux qui prétendent être ses représentants (trop de mal a été fait par ces gens-là au cours de l'histoire...). Je respecte aussi énormément le chamanisme, ainsi que le bouddhisme.


- Quelle est votre mission au Donbass ?

- Après avoir d'abord fait de la propagande pro-Donbass francophone et de la ré-information (ou contre-désinformation) sur les réseaux sociaux d'internet depuis la Corse pendant 10 mois, je suis arrivé à Donetsk en mai 2015 (j'avais initialement prévu de venir en janvier, mais des problèmes financiers m'ont obligé de repousser mon départ...). J'ai tout d'abord travaillé un mois comme chef de cuisine du polygone du bataillon Sparta, le temps d'y faire mes « classes militaires », puis on m'a proposé de rejoindre un groupe mobile d'artillerie dans le 3ème bataillon de la garde républicaine où l'on m'a formé à travailler sur un canon « Vazilyok », ainsi qu'avec le mortier de 82 mm, l'AGS-18, ou le RPG-7. Nous étions tout d'abord à Sakhanka et Zaïtchenko sur le front de Marioupol, puis à Aleksandrovka et Staromikhaïlovka sur le front de Marinka. J'ai ensuite rejoint la section internationale de la 5ème brigade (« Oplot »), où j'ai travaillé pendant quatre mois comme éclaireur-sapeur. Avec la 5ème brigade, j'étais positionné à Olienovka puis Dokoutchayevsk. Je suis actuellement dans une courte période de transition pendant laquelle j'essaie de négocier ma prochaine affectation d'ici début février, d'un côté avec le ministère de la défense de la DNR, et de l'autre, avec le bataillon Prizrak en LNR. La proposition correspondante le plus à mes objectifs sera retenue, mais dans tous les cas, je ne laisserai pas tomber le peuple du Donbass !


- Est-ce qu’il y a quelque chose de ce que vous aimez ou non, ou de ce qui a attiré votre attention au Donbass ?

- J'ai surtout été impressionné par la dignité, le courage, et le stoïcisme avec lesquels le peuple du Donbass affronte et supporte toute cette terreur. Si le peuple français d'aujourd'hui devait affronter une telle horreur, il serait totalement effondré et démoralisé. Il suffit de voir la manière dont ils se plaignent et se victimisent pathétiquement suite aux « attentats de Paris » en Novembre dernier pour le comprendre : ils ont juste subit pendant quelques jours le même genre de terreur que le peuple d'ici supporte depuis plus d'un an et demi de la part de la junte ukrainienne, et pour eux, c'est comme si c'était « la fin du monde »... J'ai aussi été marqué par le fait qu'une armée improvisée réussisse à tenir tête à une armée professionnelle mieux équipée, en se battant à un contre huit, tout en gardant le moral alors que l'ennemi se démoralise de plus en plus ! Je suis vraiment très fier de ce peuple qui, tout comme moi, descend en partie des anciens cosaques.

Je dois cependant avouer que je suis parfois un peu triste qu'en nous obstinant, pour des raisons géopolitiques évidentes, à respecter les accords de « Minsk 2 », alors que l'ennemi ne les a jamais vraiment respectés depuis le début, nous avons tendance à oublier que les populations russophones des oblasts d'Odessa et Kharkov (entre autres...) attendent toujours d'être à leurs tours libérés de la terreur ukrainienne.


- À votre avis, quel est le meilleur scenario pour le Donbass ?

- Le meilleur scénario pour le Donbass ? Même à cette question, je vois trois réponses possibles : le meilleur scénario « utopique », le meilleur scénario « réaliste optimiste", et le meilleur scénario « réaliste dramatique »...

Scénario utopique :

Le peuple ukrainien soutenu par l'armée régulière se révolte et destitue Poroshenko et son gouvernement, désarme les bataillons politiques néo-nazis, et négocie la paix avant d'organiser dans chaque oblast un vote pour laisser la population décider si elle préfère rejoindre la fédération de Novorossiya (celle-ci voyant enfin le jour...) ou rester dans cette nouvelle Ukraine plus démocratique et moins corrompue (qu'elle décide de rejoindre l'union européenne ou non...). Tous les criminels de guerre ukrainiens étant livrés à la justice de la nouvelle fédération de Novorossiya.

Scénario réaliste optimiste :

L'Europe et les USA réalisent que cela risque de leur coûter trop cher de continuer à soutenir l'Ukraine (même de façon officieuse...) et « laissent tomber leur poulain ». L'Ukraine se retrouve dans une banqueroute sans précédent et les bataillons politiques tentent un putsch contre Kiev, plongeant le pays dans une autre guerre civile. Ce qui nous amènerait finalement à une version plus dramatique du scénario « utopique ».

Scénario réaliste dramatique :

L'Ukraine, arrivant au point où elle n'a plus rien à perdre, lance sa fameuse « grande offensive » avec tout ce qu'elle a en réserve. Là, on s'en prend « plein la gueule » (aussi bien nous, les militaires, que les civils) et l'armée russe est obligée d'intervenir, ce qui conduirait forcément à une défaite plus ou moins rapide de l'Ukraine permettant à la Russie d'imposer la conclusion du scénario « utopique » par la force.

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