OCTOBRE - NOVEMBRE 2020

Entrevue avec Thierry GODEFRIDI « On vous trompe énormément : L’écologie politique est une mystification »

par François MAURICE


Thierry Godefridi, chef d’entreprise, diplômé de droit, de sciences économiques et de philosophie, est déjà connu des lecteurs réguliers de la revue Méthode. A l’occasion de la sortie de son nouveau livre, notre directeur de la rédaction a souhaité s’entretenir avec lui. R.M.


François Maurice : Thierry Godefridi, la Commission européenne entend rendre son pacte vert pour l'Europe contraignant en l'inscrivant dans la législation. Assistons-nous, écrivez-vous, à l'avènement d'une nouvelle dictature, écologiste ?

Thierry Godefridi
Thierry Godefridi :
Libérale et judéo-chrétienne à ses origines dans les années 1950 et inspirée par les idéaux de liberté, de prospérité et de progrès, l'Union européenne a adhéré à l'écologie politique en 2018 à la suite de la Conférence et de l'accord de Paris sur le climat. La Commission européenne présidée par Madame von der Leyen a mis les bouchées doubles, dès son installation à la fin de l'an dernier, et, malgré la catastrophe économique qui résulte de la crise sanitaire du Covid-19, elle n'en démord pas.
F.M. : En quoi le pacte vert pour l'Europe consiste-t-il en une utopie, comme vous le dénoncez ?
T.G. : Dès lors que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) admet lui-même, dans son troisième rapport d'évaluation, que le climat est « imprédictible » en raison des dynamiques complexes, chaotiques et non linéaires, qui en sont un aspect inhérent, il paraît en effet difficile de ne pas voir dans le pacte vert pour l'Europe la manifestation d'une utopie, que sous-tend une idéologie, l'écologisme.
F.M. : L'Histoire se répète-t-elle, comme on l'entend souvent ?
T.G. : L'Homme n'est jamais à court d'idées pour changer le monde. Hier, c'était l'homme lui-même. Aujourd'hui, c'est l'univers tout entier. Il existe un parallèle entre la première moitié du XXe siècle et la première moitié de ce siècle-ci. Dans la première moitié du XXe siècle, il y eut l'eugénisme, autre scientisme malthusien et sujet tabou s'il en est aujourd'hui, tant scientifiques et politiciens de l'époque étaient nombreux partout dans l'Occident à en soutenir les thèses. Cette idéologie a amené l'humanité à l'horreur absolue.
F.M. : Vous parlez, dans On vous trompe énormément, d'un fil rouge dans la mouvance verte. Qu'en est-il ?
T.G. : Quand militants écologistes et communistes manifestent ensemble dans les rues de Bruxelles « pour le climat » et quand on lit le discours à proprement parler gauchiste et révolutionnaire de la jeune égérie suédoise Greta Thunberg sur le site du Project Syndicate, l'on peut se demander s'il ne s'agit pas pour les tenants de l'écologisme de faire revenir Karl Marx par la fenêtre après qu'on l'eut jeté dehors par la porte !
Il existe pourtant en principe des différences fondamentales entre les deux courants de pensée. Le marxisme met l'homme et la prospérité au centre de son projet, bien qu'il ne soit jamais parvenu à réaliser la prospérité où que ce soit. L'écologisme se préoccupe quant à lui de « l'écosystème » – l'homme n'y occupe qu'une place à la périphérie – et il préconise la décroissance comme moyen d'arriver à un prétendu équilibre durable de toutes les composantes dudit système.
F.M. : Quels sont les « marqueurs » de l'avènement de cette dictature que vous évoquez dans votre essai ?
T.G. :
La thèse en est qu'un dispositif se met en place, dans le sens où l'entend le philosophe Giorgio Agamben, constitué de discours, d'énoncés scientifiques, de propositions philosophiques et morales, d'institutions, de lois et de décisions, un dispositif de contrainte qui empêche les individus d'exercer librement leur industrie et leur commerce ainsi que leur savoir et leur raison et les condamne à une régression économique et intellectuelle.
Les médias contribuent à cette forme de contrôle social par ce que le philosophe Friedrich Hayek appelait une « falsification du langage » (l'un des chapitres de l'essai y est consacré et en donne des exemples) et ils favorisent ainsi l'émergence d'une nouvelle classe dominante – politique, médiatique, financière et juridique.
F.M. : Comment en sommes-nous arrivés là et comment pourrons-nous nous en sortir ?
T.G. : Nous sommes victimes des faiblesses de notre entendement, de notre recherche à tout prix de liens de cause à effet, même dans les matières où il nous faudrait raisonner de manière statistique ou probabiliste et ne pas prendre uniquement en compte ce que l'on sait, mais aussi ce que l'on ne sait pas (les fameuses « inconnues inconnues » de Donald Rumsfeld). Pour nous en sortir, il faudra aussi nous débarrasser de cette « heuristique de la peur » qu'instillent les écologistes, au nom du principe de précaution, à la seule fin de nous manipuler. Il nous faudra retrouver le sens de la responsabilité personnelle, de l'esprit critique et du débat contradictoire. Ce dernier fait cruellement défaut dans la problématique du climat.

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