JUILLET - AOÛT 2018

Sous la pression des États-Unis, la Pologne recule sur sa loi mémorielle

par Olivier BAULT


Pologne – Les premiers ministres polonais et israélien signent une déclaration conjointe pour mettre fin au conflit.
Les amendements à la loi mémorielle polonaise concernant la Shoah et les crimes nazis en Pologne à l’origine de tensions entre, d’une part, la Pologne et, d’autre part, Israël, une partie des organisations juives et les États-Unis, avaient été adoptés fin janvier. Le 27 juin, les premiers ministres polonais et israélien ont voulu mettre fin à la polémique en signant une déclaration commune tandis que le parlement polonais supprimait en une seule journée la disposition de la nouvelle mouture de la loi mémorielle punissant de prison le fait d’attribuer « à la nation polonaise ou à l’État polonais la responsabilité ou la coresponsabilité des crimes nazis commis par le IIIe Reich allemand ». Pour expliquer leur recul, les dirigeants du PiS ont affirmé que cette disposition était de toute façon impossible à mettre en œuvre. Ils ont aussi promis aux Polonais que Varsovie continuerait de soutenir les efforts visant à poursuivre au civil les personnes et les médias qui utilisent l’expression « camps de la mort polonais » pour désigner les camps d’extermination allemands en Pologne occupée.
Dans leur déclaration commune, Mateusz Morawiecki et Benyamin Netanyahou ont condamné l’utilisation de cette expression visant à réduire la responsabilité allemande. Tout en condamnant les crimes commis par certains Polonais à l’égard de juifs pendant la Deuxième guerre mondiale, ils ont aussi rappelé l’héroïsme de ceux qui ont risqué leur vie pour sauver des juifs, ainsi que les efforts du gouvernement polonais en exil pour contrecarrer l’entreprise criminelle allemande en informant les Alliés du génocide en cours. Ils ont également rappelé le rôle des structures clandestines en Pologne occupée, supervisées par le gouvernement en exil à Londres, qui portaient assistance aux juifs et punissaient de la peine capitale les Polonais qui dénonçaient des juifs
Les deux chefs de gouvernement ont aussi affirmé leur soutien à une expression historique libre et ouverte sur tous les aspects de la Shoah et ils ont condamné toute forme d’antisémitisme et d’antipolonisme, appelant au retour à un dialogue respectueux dans le domaine public.
Le Département d’État américain, qui faisait pression sur les deux pays pour qu’ils parviennent à un accord, mais aussi plusieurs organisations juives et l’ambassadrice d’Israël en Pologne, qui n’avait pas qu’un peu contribué à jeter de l’huile sur le feu selon ses détracteurs en Pologne, se sont réjouis qu’un accord ait été trouvé et surtout que la Pologne ait renoncé au paragraphe litigieux de sa loi mémorielle. Traditionnellement, la Pologne est un des rares soutiens d’Israël au sein de l’Union européenne, et les tensions causées par la nouvelle loi mémorielle polonaise et par la violence des réactions israéliennes n’étaient dans l’intérêt d’aucun des deux pays. De leur côté en effet, les Polonais étaient conscients que leur lobby à Washington ne fait pas le poids face au lobby juif et israélien et l’on s’inquiétait à Varsovie des conséquences qu’un tel conflit pourrait avoir sur les intérêts stratégiques à long terme de la Pologne. 
Faut-il y voir un hasard ? Varsovie a cherché un compromis avec Bruxelles sur la question de la réforme de son système judiciaire pendant toute la durée du conflit avec Israël mais a finalement cédé à l’exigence israélienne de retirer le paragraphe litigieux de sa loi mémorielle quand un tel compromis s’est révélé impossible en raison de l’intransigeance de la Commission européenne. La Pologne ne peut de toute évidence pas se permettre d’être brouillée en même temps avec Bruxelles et avec Washington, contrairement à la Hongrie qui, quand cela lui était arrivé sous la présidence de Barack Obama, avait pu jouer la carte russe.

O.B.

Article extrait de visegradpost.com
avec l’autorisation de l’auteur

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