JUIN - JUILLET 2020

De Largentière à Moscou et retour à Largentière (2nde partie)

par Jean-Marc TRUCHET


La présence française à Moscou

La présence d’une colonie française de quelque importance s’est déroulée en deux phases dont la première remonte à la seconde moitié du XVIIIè siècle.
Dès son sacre en 1762 comme impératrice de Russie, la Grande Catherine (Catherine II) souhaitait développer au mieux son immense territoire. Ainsi, favorisa-t-elle l’installation d’étrangers, surtout d’agriculteurs partout où cela était possible dont particulièrement de Français. Toutefois, diverses difficultés étant survenues alliées à celle d’un éventuel retour en France, nombreux furent ceux qui se replièrent sur Moscou, constituant ainsi la première colonie française locale, essentiellement marchande.
Cependant, dès 1810, les velléités de conquête de l’empire russe par Napoléon 1er, sacré empereur des Français1, puis sa campagne militaire de 1812 qui s’achèvera par une débâcle avec en prime, sous différents aspects, un coût élevé pour la France, conduiront la colonie à subir un retournement de comportement de la part des Russes ce qui peut se comprendre...
Le quartier français à Moscou en 1903. Doc. RUSSIE INFO

Pourtant, même si les Russes étaient préalablement animés des meilleures intentions à l’égard des Français, l’invasion napoléonienne changea la donne. il s’agit ici d’une situation que l’on retrouve toujours aujourd’hui entre les décisions des dirigeants d’un pays par rapport à ce que souhaiterait le peuple, initiatives qui conduisent généralement à de regrettables confusions, non sans conséquences.
Avec l’arrivée de l’empereur aux portes de Moscou, beaucoup de Français y laisseront leur vie, que ce soit du fait des Russes, ou que ce soit par enrôlement de force dans la Grande Armée puis durant sa terrible retraite à travers l’Europe.
Malgré ce qu’il faut bien appeler le traumatisme de 1812, dès les années 1820 des Français retentent l’aventure mais cette fois sous forme industrielle. C’est ainsi qu’ils construisirent et exploitèrent de grandes usines modernes à tel point d’ailleurs que l’on peut considérer qu’au début du XXè siècle, ils tenaient l’économie du pays dont celle de la capitale qu’était Moscou, soit par exemple :
- E.BEAUX et fils : conserves alimentaires de luxe.
- BROCARD et Cie. Parfums, savons.
- Victor BAUDY, porcelaine fine.
- A LA ROSE DES ALPES. Restaurant de bonne cuisine et prix modique.
- Adolf et Clarisse SIOU et Cie. Pâtisserie et salons de thé.
- C. DEPRET, vins en gros.
- CATOIRE : sucre et nombreux produits importés.
- Les maisons PAUZIE et FABERGE. Ce dernier fut médaille d’or à l’exposition universelle de Paris.
- GOUJON : grandes usines métallurgiques.
- GNOME et RHÔNE : moteurs d’avions et engins à moteurs, pièces détachées.
- CREDIT LYONNAIS : banque
- SOCIETE GENERALE : banque à St. Pétersbourg et par une filiale à Moscou2.
- Liste non limitative.

Usine A. Siou et Cie. Noter déjà l’importance… (Doc. d’origine non connue)

Si la colonie dispose désormais de son église, elle ne possède aucun établissement pour l’éducation ²à la française² des enfants. Pour cela, c’est en 1872 que l’on fait appel à des religieuses de Chambéry qui arrivent à Moscou sans aucune idée de la chose… 
Les Sœurs de l’école Sainte Catherine à Moscou au début du XXè siècle. Doc. Sœurs de St. Joseph de Chambéry

Toutefois, un premier établissement pour garçons, St. Philippe de Néri, est ouvert en 1869 suivi en 1889 par l’école Sainte Catherine dans le même bâtiment mais les religieuses ne s’arrêtent pas là...
Elles vont alors adapter leur enseignement de manière à en faire un établissement de haut niveau qui sera également fréquenté par des enfants russes désireux d’obtenir un enseignement de qualité. Il y a même un dentiste et un cinéma ce qui fait qu’à la veille de la révolution russe cet ensemble privé était comparable à un établissement international.
Toutefois, lors des premiers soulèvements populaires en 1905, cela ne va pas sans contestation à l’égard des religieuses et de la paroisse puis dès 1917 et surtout en 1918, période durant laquelle s’installe la terreur rouge. De nombreux Étrangers dont des Français sont alors incarcérés ce qui entraînera le départ vers différents pays d’Europe dont la France pour la grande majorité de la colonie. Ceci constitua un second repli, les biens étant alors soit détruits, soit nationalisés par les bolchevicks arrivés au pouvoir.

L’Église Saint Louis des Français

À cette époque, il n’existait qu’un lieu de culte catholique en Russie, la paroisse St. Pierre et St. Paul mais ouverte aux autres communautés européennes de même confession. Pour souder la communauté française, il lui manquait sa propre église ce qui demandera pas moins de neuf années de négociations avant que Catherine II ne cède à sa demande en 1789.
C’est ainsi que dès l’année suivante, dans le centre de la capitale, la première pierre de l’église St. Louis des Français fut posée, laquelle fut consacrée en 1849. Cet événement constitua une étape majeure dans l’intégration des Français à Moscou car il ne faut pas oublier qu’à cette époque, la France était beaucoup plus religieuse qu’elle ne l’est devenue désormais. L’un des premiers curés est l’abbé Surrugue, prêtre réfractaire ayant fuit la révolution française3.
Située entre les rues Bolshaya Luyianka N°s 10-12 et Myasnitskaya, de nos jours elle n’est pas aisée à trouver car dans une impasse et fort discrète. On peut y accéder à pieds depuis la station de métro Lubyanka moyennant environ un kilomètre de marche, station qui est la même que celle donnant accès à l’immeuble du FSB (ex-KGB).
Devant l’église se trouve un parc verdoyant dans lequel il est agréable de se reposer. La messe y est servie le dimanche en six langues. Issue du projet de l’architecte italien A.O Gilardi, la construction commença en 1833 et fut achevée deux années plus tard. Elle fut consacrée le 17 juin 1849 mais dévastée lors de la révolution en 1917.
Photo. F.G juillet 2019

Depuis 1938, Saint Louis des Français est à nouveau ouverte à Moscou où il existe deux autres lieux pour la l’exercice du culte catholiques, soit :
- La cathédrale de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie.
- L’église Sainte Olga.
L’église St. Louis des Français à l’époque, située derrière, l’immeuble du télégraphe. D’après une carte postale.

En ce qui concerne Saint Louis des Français, il existe actuellement une école le dimanche, un groupe de Scouts et des concerts d’orgue y sont régulièrement donnés au profit d’œuvres de charité. Consulter le site internet pour plus de détails.
Intérieur de l’Église St. Louis des Français à Moscou. Photo. F.G

L’église St. Louis des Français et le petit square. Photo. FG juillet 2019

L’église est divisée en trois nefs et la messe du dimanche y est tenue en six langues. Dans le transept de gauche l’on y trouve une statue de Saint Bernard de Clairvaux et dans celui de droite, une de Saint François de Sale. Près de l’autel on y voit deux petites statues rappelant les fondements de la France chrétienne : Sainte Jeanne d’Arc et Sainte Thérèse de Lisieux.
En 1991, le 13 avril durant la courte période de la pérestroïka, le pape Jean-Paul II annonça la création de l’administration apostolique pour les catholiques de rite latin, ceci pour la partie européenne de la Russie.
L’inauguration suite à cette décision eut lieu dès le 28 mai suivant par l’archevêque Tadeusz Kondrusiewicz.

L’ÉGLISE DE NIJNI KOTLI

On trouve dans les archives de la famille Deroch, cette photographie qui montre une église à Kotli sans pour autant pouvoir préciser le culte célébré. Compte tenu qu’il s’agissait d’un hameau avant la construction des usines et que celle-ci n’est jamais mentionnée dans les archives consultées, on peut donc en déduire qu’elle fut élevée avant l’expansion industrielle des lieux et donc de confession orthodoxe ou qu’il s’agit d’un autre lieu car Kotli est écrit avec un i et non un y.

L’Usine de Kotly4 et la vie industrielle

À partir de 1870, les affaires familiales étant désormais sous la direction d’Aimé Léon Ivanovitch, les Katuar décidèrent d’investir dans la fabrication industrielle. Pour cela, ils commencent par bâtir une briqueterie dans le village de Kotly, laquelle servira à la construction d’une partie du GOUM de Moscou puis de l’usine de soie dans laquelle à partir de 1901 on retrouve Abel Deroch comme contremaître puis comme directeur en 1905. À cette époque, Kotly était un village proche de Moscou mais il n’en est aujourd’hui devenu qu’un quartier qui dès 1932 fut absorbé par le district de Nagorny, situé au Sud de la capitale, plus précisément sur la grande route de Serpoukhov connue au XIVè siècle qui mène aux régions du Sud de la Russie. Pour finir, en 1951, Kotly devint la rue Nagornaya.
L’usine de Kotly et la direction de l’usine et les familles. En haut à gauche, Abel Deroch et à droite en bas, Baptistine avec René sur les genoux. Doc. MD

On note dans la littérature que durant le XIXè siècle le village est peu connu malgré sa proximité de Moscou. C’est une zone sombre car sans éclairage et plutôt un repère de brigands où il n’y avait que 12 maisons mais à la fin du XIXè siècle il sera absorbé par une vaste zone industrielle qui compte plusieurs grandes usines. Aujourd’hui, on y trouve une station de chemin de fer, NIZHNYE5 KOTLY, dans la direction de Nagorny. C’est aussi une station de transfert de la station de métro NAGATINSKAYA située à Moscou.
Du personnel de l’usine devant une isba

Des ouvriers de l’usine charriant du bois

L’arrivée des ouvrières à l’usine et une photo de groupe d’une partie du personnel. Doc. MD


LE GOUM DE MOSCOU

(Glavany Ouniversalny Magazin ou magasin principal universel) est un grand centre commercial situé sur la place rouge, à Moscou, occupé par des enseignes destinées au commerce pour une clientèle plutôt financièrement aisée. Son origine remonte à 1886 lorsque des commerçants déjà présents depuis le XVIIè siècle, s’organisent en société des galeries supérieures de la place rouge à Moscou pour lancer un concours d’architecture qui sera retenu en 1889 suivant les plans proposés par les architectes Alexandre Pomerantsev et Vladimir Choukhov.
Il s’agit d’un bâtiment de forme trapézoïdale, semi-cylindrique construit entre 1890 et 1893, surmonté d’une grande verrière. Son inauguration officielle aura lieu en présence de membres de la famille du tzar Alexandre III le 2 décembre 1893.
Il s’agissait, à l’époque, du plus grand centre commercial du monde, à la fois moderne et esthétique qui manifestement préfigura les constructions plus récentes.
Le GOUM de Moscou en 2019. Photo. FG

Il s’agit ici d’une information intéressante qui montre que le XXè siècle n’a rien inventé en matière commerciale
Toutefois, en 1917, le GOUM fut nationalisé par les bolchéviks puis transformé en bureaux pour les commissions quinquennales du plan. Il faudra attendre 1953 pour qu’il retrouve sa fonction première mais avec pas grand’chose à vendre… Aujourd’hui, il abrite environ 200 boutiques pour près de 2 500 m de galeries marchandes.
Depuis 1908, date du début de la construction du GOUM, un autre magasin similaire est apparu à Moscou, situé près du théâtre BolchoÏ  : le TSUM (ou TSOUM) pour Magasin Central Universel. C’est l’un des plus grands centres commerciaux d’Europe où sont représentées plus de 1000 marques de prêt à porter et autres joaillerie, parfumerie, gastronomie, etc.

La vie industrielle à Moscou au XIXè siècle

L’INDUSTRIE DE LA SOIE TORSE EN RUSSIE

On trouve dans le BULLETIN DES SOIES ET DES SOIRIES de cette époque, des statistiques fort intéressantes, à savoir :
La fabrication de fils de soie torse, c’est-à-dire issus du moulinage du cocon du ver à soie (Bombix), date de 1891 en Russie. Avant cela, le pays ne possédait qu’une seule fabrique, celle de Mr. Sapojnikov, soit environ 250 pouds6 de soie torse par années (4 095 kg) ce qui est déjà important compte tenu de la très faible masse volumique du produit (densité).
Pour l’ensemble de la Russie d’Europe et pour le Caucase, la production réalisée à la main était évaluée à 20 000 pouds, soit 327 600 kg ce qui devient considérable.
A partir de 1891, des droits de douane favorisèrent la production purement russe et à partir de 1896 l’avènement de la mécanisation permettra à la seule Russie de produire 25 000 pouds, soit 409 500 kg pour ce secteur et 30 000 pouds, soit 491 400 kg concernant les fabrications manuelles.
En 1896, avec 2 400 pouds (39 312 kg), les établissements Catoire et Simoneau (Moscou) étaient le 6è producteurs sur les 13 recensés, à égalité avec deux autres usines. Affichant un total général de 55 000 pouds par année, cette fabrication occupe environ 10 000 ouvrières ce qui représente 55 pouds chacune (901 kg) !.. On constate immédiatement qu’il s’agit ici d’une importante activité économique pour la Russie.

La vie de la famille Deroch à Moscou

Dès 1901, Abel avait demandé à ses parents de lui trouver une femme pour le seconder. Or, il s’avéra que les Gouy, des mouliniers de Tence7, avaient encore une fille à marier, Baptistine. Les photos échangées, après seulement 15 jours de fiançailles, en mai 1902 ils se marièrent à Tence puis partirent sans tarder pour Moscou, plus précisément pour Kotly, alors un village au Sud de la capitale. En quelque sorte, il s’agit ici d’une rencontre par correspondance bien avant ce qui est aujourd’hui pratiqué à grande échelle…
Malgré son accent français, Abel commençait à bien parler russe de même qu’à le lire mais pour Baptistine, l’épreuve fut plus douloureuse ce qui posait des difficultés pour commander ses quatre bonnes comme le cocher qui l’emmenait régulièrement à Moscou. Pour pallier cela, elle entreprit de suivre des cours donnés par un instituteur qui apprenait à lire et à écrire à quelques petits bourgeois russes.
Sa première dictée fut une rude épreuve puisque pas moins de 45 fautes furent comptabilisées ! Cependant, au bout de quelques mois elle triompha des difficultés et maîtrisa rapidement la langue.
Abel et Baptistine. Doc. MD

Baptistine donna quatre enfants à Abel, tous français enregistrés au consulat du même nom.
- Marthe, née le 9 avril 1903, décédée le 7 octobre 1964 à Paris. Elle épousera Nicolas Pétroff, un Russe né à Moscou en 1901 qui s’engagea dans l’armée Youdenitch (8) à 18 ans puis dans l’armée française du Général Maxime Weygand. Il reçut la Croix de guerre par le sang versé et devint français.
Marthe conduite à l’école. Doc. MD


René, né le 30 septembre 1909. Les premières neiges étaient tombées. Doc. MD
- Jean Léon né le 3 décembre 1904. Beau bébé, vif et intelligent, malheureusement il décèdera le 5 juillet 1910 car à cette époque, la médecine n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, que ce soit en France comme en Russie où il y avait peu de personnes qualifiées. C’est ainsi qu’ils perdirent leur fils ainé de la diphtérie car celle qui le vaccina commit l’erreur de confondre la dose injectée avec celle pour adulte. Une enquête de police demandée par son père, Abel, fit d’ailleurs scandale.
- Marie-Louise, née le 27 janvier 1907 affichant seulement 1.50 kg ne devait paraît-il pas survivre. Pourtant, elle décèdera en 2001 à l’âge de… 94 ans.
- René Abel, né le 30 septembre 1909 décèdera le 31 mars 1977 des suites d’un accident de voiture à Montreuil (banlieue sud de Paris). Il était le père de Madame Monique Deroch à qui l’on doit une large partie des documents ayant permis la réalisation de cet ouvrage.
Les deux filles ainées furent mises en pension au lycée de Moscou. Tous étaient parfaitement bilingues, y compris le plus jeune, René, qui commença à lire et à écrire à la maison grâce à Macha, la bonne préférée. A cette époque, beaucoup de Russes, surtout de la bourgeoisie, parlaient la langue française et même l’écrivaient. Elle était leur seconde langue.
À l’usine, Abel, pour réduire les accidents avait fait diminuer la journée de travail des ouvrières afin qu’elles ne s’endorment pas sur leur poste. Les logements construits étaient salubres et la nourriture plus correcte. Par ailleurs, le personnel était encouragé pour apprendre à lire et à écrire.
Pour finir, Abel était très progressiste. En avril 1917 il reçut la visite de la délégation socialiste française conduite par Marcel Cachin9 et le cousin d’Abel, Marius Moutet (voir généalogie simplifiée) qui était avocat. Ils étaient venus soutenir Alexandre Kerensky10 et les Mencheviks11.
Le cocher et sa femme. Les Maze vers 1906.

Abel avec Jean Léon sur les genoux. Baptistine est à son côté. Doc. MD

La maison familiale des Deroch à Kotly et le jardinet. Doc. MD

Il pensait que comme en 1905, l’ordre en Russie serait rétabli avec les réforme sociales et politiques qui s’imposaient dans le pays mais Abel se trompait et manquera même de le payer de sa vie…
Il était très apprécié à Moscou et avait même été décoré par le Grand Duc Michel en personne avec 6 ou 7 autres Français pour leur dévouement au développement économique du pays.
Un jour, ils accompagnèrent le Grand Duc Michel pour une visite à Kotly durant laquelle un événement peu banal surviendra sous forme d’un cafard qui tomba dans la pâte du pétrin !
Aussitôt qu’il vit l’insecte s’enliser, pour sauver son honneur et sa réputation, le boulanger le prit délicatement entre deux doigts et le dégusta avec un sourire gourmand : « raisin de Corinthe » précisa-t-il à son illustre visiteur…
Le jardinier Tripenfil. Doc. MD.

Autre vue de la maison de la famille Deroch à Kotly au début du XXè siècle. Doc. MD

M. Maze est à gauche, Mme. Maze devant avec leurs enfants. Doc. MD

Les amis russes et ardéchois sur les marches de l’Isba des Deroch à Kotly13

En bas au premier plan : Jean-Léon, déjà fiévreux et fatigué, lequel décèdera des suites du vaccin de la diphtérie. Derrière lui : Marie-Louise (1.5 kg à la naissance…) En canotier : Abel Deroch et devant lui, tenant René dans ses bras, Baptistine. A la gauche d’Abel, Mme. Maze. 
Devant, à droite de Jean-Léon et de Marthe, Marie-Louise coiffée d’un chapeau blanc car pour s’amuser elle avait rasé son crane !..  Derrière, à droite en canotier : Mr. Maze avec ses filles et derrière, des collaborateurs ardéchois.

À Moscou, la colonie française était très solidaire. Les Deroch y avait trouvé une autre Largentièroise, Madame Marmosat, professeur chargée de l’éducation des enfants d’une très grande famille russe… mais à l’automne 1918, ils se retrouveront tous… à Largentière…

BAPTISTINE, UNE FEMME DE CARACTÈRE…

Elle était une femme étonnante, courageuse et énergique ce qui transpire parfaitement dans le texte ci-dessous. Pendant la guerre de 1939/1945, Elle n'a pas hésité à se rendre seule à la gendarmerie répondre à une convocation pour avoir été dénoncée par un collaborateur de l’envahisseur germain comme hébergeant deux femmes du parti communiste dont l'une allait accoucher. Par la suite, elle les aidera à partir plus au sud, en Languedoc où elles ont été prises en charge par un réseau de Résistants.
Avec Marguerite Perbost-Demarne (voir plus loin), elles n'hésitaient pas à dire à ceux qui les avaient inscrites sur les listes prêtes à donner aux Allemands une fois la zone libre envahie, qu'ils seraient condamnés quand la France serait libérée.
En 1945, certains se suicidèrent, d'autres se firent oublier... Baptistine qui tremblait devant Abel avec qui elle se disputait souvent avait son caractère mais elle était également très mère poule…
En réalité, ce couple hâtivement bâti, éprouva encore plus de difficultés lorsque Jean-René décéda à l’âge 6 ans après l’injection de vaccin antidiphtérique car Abel n’était pas présent à ce moment-là. Il reprochera toujours à Baptistine de ne pas avoir prêté plus attention à la qualification de la pseudo-infirmière mais le pouvait-elle ?
Pour finir et suivant ce qui précède et ce qui suit, lorsque l’on observe la vie d’Abel, elle fut avant tout très difficile et l’on peut se demander s’il ne rejeta pas au moins une partie de ses propres souffrances sur sa femme…

Fin de la deuxième partie
(Troisième partie dans le prochain numéro : L’appel sous les drapeaux et La période révolutionnaire en Russie)

J-M. T.

NOTES ET RÉFÉRENCES

1. Et non de France, ce qui n’est pas la même chose.
2. Lire avec grand intérêt : LES FRANÇAIS DE MOSCOU ET LA REVOLUTION RUSSE. 1900 - 1920. Sophie Hasquenoph - Ed. Champ Vallée. 2017
3. Suivant Sophie Hasquenoph, Maître de conférence en histoire. Étude des archives méconnue entreposées dans les sous-sols de l’église St. Louis des Français à Moscou et jamais ouvertes, y compris durant la période communiste.
4. On trouve également ce nom écrit sous la forme KOTLI (avec un i).
5. Nizhnye signifie inférieur.
6. Le poud est une ancienne unité de masse utilisée en Russie impériale, valant 16,38 kg. Elle sera abolie en 1918 par l’URSS post-révolution en même temps que d'autres unités de poids datant de cette époque.
7. Tence est une commune du Velay située à 850 m d'altitude, entre le Puy en Velay et la vallée du Rhône.
8. Nikolaï Nikolaïevitch Youdenitch est un officier russe d’État-major qui prit part à la guerre russo-japonaise entre 1904 et 1905. En 1914, il sera promu Chef d'État-major de la région militaire du Caucase et dès 1915 il commandera l'armée de cette même région engagée contre les Turcs.
9. Voir le chapitre qui lui est consacré.
10. Homme politique français, né le 20 septembre 1869 à Paimpol, décédé le 12 février 1958 à Choisy-le-Roi. Il est parlementaire socialiste puis communiste de 1914 à 1958. Marcel Cachin sera directeur du journal L'Humanité de 1918 à sa mort. En avril 1918, avec Marius Moutet, il fera le voyage à Moscou pour soutenir Kérenski puis une visite à Abel, son cousin.
11. Alexandre Fiodorovitch Kerenski est un avocat, membre du Parti socialiste révolutionnaire. Né le 4 mai 1881, décédé le 11 juin 1970
12. Les Mencheviks constituaient un courant socialiste russe mais se réclamant du marxisme. À l’origine, il s’agissait d’une fraction minoritaire du Parti ouvrier social-démocrate de Russie.
13. Habitation traditionnelle des paysans russes. Construite en bois, directement à partir de rondins comme un chalet auquel elle s’apparente.

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