JUIN-JUILLET 2019

Élections européennes : quelle Europe ?

par Jean GOYCHMAN


« Ce n'est pas parce qu'on supprime les panneaux indicateurs sur les routes qu'elles cessent de conduire là où elles vont... »

Cette phrase citée par Marie France Garaud lors d'un débat télévisé sur l'Europe diffusé par Antenne 2 en 2011, a été prononcée par le grand-père de NKM durant les discussions préliminaires au traité de Maastricht. Pour ne pas effrayer le bon peuple très attaché au maintien de sa souveraineté, quelqu'un avait proposé de ne pas employer le terme « fédéraliste », ce qui provoqua cette réflexion de bon sens.
Depuis près de 50 ans, nous vivons dans une sorte de « flou artistique » destiné à égarer les gens en brouillant les cartes de la construction européenne. Un certain nombre de responsables politiques ont, avec cynisme, repris à leur compte la célèbre maxime du Cardinal de Retz : « On ne sort de l 'ambiguïté qu'à ses dépens » Mais lorsque cette attitude devient une politique à part entière et qu'elle persiste depuis plusieurs décennies, que peut-on en attendre ?

LE RASSEMBLEMENT DES INCONCILIABLES

Et c'est tout le problème des LR, ex UMP, ex RPR, ex...gaullistes.
Jusqu'en 1992, la ligne était claire. Le RPR, créé en 1976, était un parti résolument souverainiste. Il suffit de relire le discours de l'Appel de Cochin en 1978 pour s'en persuader. L'élection de François Mitterrand en 1981 avait fait du RPR et de ses sympathisants les opposants naturels d'une conception européenne à tendance fédéraliste incarnée par Jacques Delors. Toutefois, la présence dans l'hémicycle d'un certain nombre de députés giscardiens, classés plutôt comme libéraux et eurofédéralistes, additionnant leurs voix avec celles des députés RPR traditionnels, ne semblait guère poser de difficultés. A l'époque, l'Europe était lointaine ne préoccupait pas les français.

LE TOURNANT FÉDÉRALISTE QUI NE VOULAIT PAS DIRE SON NOM

Ce n'est qu'au moment de la campagne du référendum de Maastricht que les choses auraient dû se clarifier. La question du fédéralisme était clairement posée depuis que la future monnaie européenne, prévue pour être commune au stade du projet, allait devenir unique à la demande d'Elmuth Kohl afin de financer la réunification des deux Allemagnes. La préoccupation de Jacques Chirac, qui avait perdu l'élection présidentielle de 1988 (après celle de 1981) était plus tournée vers les élections législatives de 1993, prélude à celle de l'élection présidentielles de 1995. Autant dire que la vision européenne héritée du gaullisme des militants du RPR ne pesait pas grand ‘chose. 
Il fallait à tout prix maintenir une unité et une cohésion de façade qui interdisait tout débat interne sur le sujet. Nous savions tous à l'époque que le mouvement était très divisé. Philippe Seguin, dans un discours d’anthologie de plus de 2 heures prononcé devant les députés le 05 mai 1992, avait parfaitement vu l'importance fondamentale des problèmes que posaient la ratification par le peuple français du traité portant sur la création de la monnaie unique. 
Avec raison, il avait demandé à l'Assemblée Nationale de soulever l'exception de constitutionnalité qui aurait dû, en toute logique, conduire à ne pas ratifier le traité.

LE CHOIX DES ÉLITES

Malheureusement, la représentation nationale a préféré obéir à une discipline de parti en ouvrant ainsi une brèche condamnant la notion de souveraineté nationale, pourtant gravée dans le marbre du préambule de notre constitution. Décidément, l'avenir de notre nation n'a pas compté pour beaucoup devant certaines ambitions personnelles.
Le ton était donné. Nos élites supranationales avaient gagné et Judas avait reçu ses vingt deniers. Cette « majorité » composée de deux minorités n'ayant en commun que le désir d'exercer le pouvoir en enfouissant leur position sur l'Europe qui ne pouvait que les diviser, se coupa des peuples qu'elle était censée représenter ; Ceux-ci ne parvenaient plus à distinguer clairement la route qui leur était proposée.
Le malaise s'est encore accru en 2005, à l'occasion du référendum sur le projet de constitution européenne, où pratiquement tous les partis dits « de gouvernement » avaient milité en faveur du « oui ». Le rejet par une majorité de nos concitoyens (55 % de non) aurait pourtant dû conduire ces élites à se poser des questions. La première, celle qui surplombe tout, aurait dû être : « Quelle Europe voulez-vous ?» Le projet de constitution d'inspiration fédéraliste ayant été écarté, le moment était venu de proposer une « Europe des Nations et des Patries » qui restait la seule solution possible. 
Ce ne fut pas le choix de nos dirigeants, qui préférèrent « mettre la poussière sous le tapis » afin de modifier la constitution en donnant au congrès la possibilité de ratifier un traité sans passer par un référendum, certes changé de nom, mais qui reprenait à la virgule près de texte de celui qui venait d'être rejeté.
Comment une telle forfaiture a-t-elle pu se produire ? De plus, elle fut commise par des gens qui se réclamaient du gaullisme.

VONT-ILS ENFIN SORTIR DE L'AMBIGUÏTÉ ?

Il ne m'appartient pas de juger, ni même d'émettre un avis sur les personnalités qui composent la liste présentée par LR aux élections législatives européennes. Il paraît difficilement concevable que tous les candidats de cette liste, à commencer par les trois premiers, possèdent une vision identique sur la construction européenne. Cependant peut-être qu'au-delà de leurs différences, ils sont résolus à engager l'avenir de l'Europe dans la seule voie qui reste possible. Le fédéralisme étant exclu du simple fait que ceux qui peuvent le financer n'en veulent pas et que ceux qui le voudraient sont incapables de le payer. J'espère que nos concitoyens poseront à ces candidats la question de la direction dans laquelle leur liste se propose de conduire l'Europe et qu'ils sauront alors leur répondre d'une seule voix.

J.G.

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