HORS-SÉRIE - LES RÉSISTANTS RUSSES EN BELGIQUE

Les Partisans armés « Russes » de Rebecq

par Wilfred BURIE


C’est en 1944 que des sujets soviétiques sont vus à Rebecq. Ils ont été pris en charge par le résistant Emile Boucher, commandant des PA du Corps 023 qui se trouvait à La Louvière, en compagnie d’un de ses lieutenants. Les deux hommes sont allés en camionnette prendre livraison d’explosifs volés dans une des mines de la région. Il est prévu de faire un crochet par Chièvres, dans les environs d’un casernement allemand où, d’après un appel reçu, se trouveraient deux soldats russes de la Wehrmacht.
Photo du groupe des P.A. (Partisans Armés) « russes » de Rebecq prise après la libération et publiée dans l’hebdomadaire « Le Patriote Illustré ». On y reconnaît les personnes dont on parle dans cet article. Nous avons décidé de donner aux combattants issus de l’Armée Rouge le terme de « Russe » communément attribué par le peuple belge au lieu de « Soviétique » qui aurait été plus approprié. Les Belges ne se préoccupaient pas trop de ce genre de précision ; on accueillait son Russe ou bien son Anglais, qu’il soit Britannique, Canadien ou Australien…

Photo d’Emile Boucher, alias Commandant Claude que dirigea le Corps 23 des Partisans Armés – P.A. (ou Armée des Partisans), bras armé du réseau résistant Front de l’Indépendance - F.I

Sigles des F.I. et des P.A. Ce réseau avait été fondé par des personnes issues des milieux de gauche, en particulier du Parti Communiste Belge, mais comprenait en son sein toutes les tendance politiques en vigueur à l’époque, excepté les courants extrêmes.

On sait que les Allemands offraient à leurs prisonniers soviétiques la possibilité de se joindre à l’armée allemande et d’en revêtir l’uniforme pour combattre à leurs côtés. Les officiers russes avaient conseillé à leurs hommes d’accepter ce genre de proposition arguant le fait qu’ils éviteraient ainsi, d’être envoyés sur le front de l’Est. Suite à leurs origines et en cas de capture par les Alliés, ils s’en sortiraient mieux en devenant prisonniers des Américains plutôt que des Soviétiques. De plus, en tant que soldats « allemands », ils auraient peut-être l’opportunité de faire défection à la Wehrmacht et de rejoindre la Résistance locale.
Nos deux résistants arrivent au point de rendez-vous. Les deux individus qu’ils viennent prendre en charge sont bien là, mais, surprise ! Ils sont accompagnés d’une quinzaine d’autres soldats vêtus de l’uniforme « feldgrau » qui ont décidé de déserter et de continuer le combat contre l’ennemi commun. Ils parlent tous russe. Vite revenus de leur surprise, Boucher embarque les 17 hommes à l’arrière de la camionnette bâchée.
Il faut trouver un endroit sûr où cacher tout ce monde. Une ferme abandonnée est découverte aux abords du hameau d’Horlebecq, tenant à la commune d’Hoves, près d’Enghien. Chose importante, il y subsiste une source, les hôtes imprévus auront la possibilité de s’abreuver à volonté. Cette ferme a disparu depuis des décennies et seul, son point d’eau subsistait encore en 1994. Ils y resteront le temps d’organiser leur hébergement ailleurs.
Quelques jours après leur arrivée à Horlebecq, un événement imprévu va obliger le réseau des PA à devoir prendre des décisions rapides. Un avion américain s’est crashé le 28 mai à Henripont, près de Braine-le-Comte. Il semble que les 10 membres de l’équipage ont pu sauter à temps de l’avion et ont survécu en s’éparpillant dans la nature. Emile Boucher, dans les parages, a pris le pilote en charge et l’amène à la ferme Delcorte. L’Américain Alfred Sanders se fait soigner la cheville par un des Russes, vétérinaire de son état (il se l’était foulée en atterrissant en parachute).
Quelques jours après cette aventure, Boucher amène un autre Américain à la ferme. Il s’agit d’Harry Walcott, un aviateur de l’USAAF.
Photo montrant l’avion du S/Lt Sanders brûlant après son crash dans le Bois de la Houssière, à 10 km de Rebecq. Ce jour-là, 28 mai 1944, plusieurs bombardiers alliés se crashèrent dans la région rendant les résistants très actifs et les Allemands très nerveux.

Il y a maintenant beaucoup de monde dans la ferme. Trop. Boucher et ses hommes décident de répartir leurs protégés dans plusieurs lieux sécurisés à Rebecq, Bierghes et Wisbecq, Quenast et même Tubize. Entre autres, dans les fermes Tondeur, Clément et du château de Wisbecq. D’autres sont hébergés dans le corps du château, ainsi que chez Raymond Yernault (Wisbecq), chez Jeanne Rowart, et à la ferme Marsille à Rebecq, etc. Ils changent régulièrement de lieux d’abri, en fonction des opérations auxquelles ils participent ou en cas de descentes des hommes de la Gestapo.
Photos de quelques lieux où les Résistants pouvaient se cacher, se reposer et s’occuper du transfert d’armes :
A droite, le château Rowart à Rebecq

A gauche, la ferme Marsille à Rebecq et ci-dessous la Ferme Tondeur à Wisbecq

Ferme-château de Wisbecq

Tous ces « Russes » sont des militaires, soldats et officiers. En tant que prisonniers de guerre, leur devoir premier est de tenter de s’évader de leur lieu d’emprisonnement.
Ceux-ci ont réussi à s’échapper du joug nazi, soit en s’évadant des charbonnages, aciéries, etc. où ils sont détenus et doivent travailler de manière forcée, soit en en désertant de la Wehrmacht dans laquelle ils se sont « engagés » pour probablement mieux s’en échapper. Dès qu’ils arrivent à s’enfuir, ils tentent par tous les moyens de rejoindre les réseaux de la résistance belge.
Les « Russes » ont une expérience éprouvée du combat. Ils sont courageux, ne sont pas hantés par la peur. Ils deviennent rapidement incontournables pour effectuer des opérations délicates dirigées contre l’ennemi. Celui-ci deviendra très nerveux et de plus en plus difficile à contrer après le débarquement des Alliés et qu’une meilleure Résistance s’organisera mieux en vue de la déstabilisation de de l’occupant. Ils participent aux nombreux sabotages des voies ferrées de la région, sites stratégiques pour le transport du matériel et des troupes destinés au front de l’Ouest.

Photos de sabotages des voies ferrées des environs de Rebecq
Les divers témoignages en notre possession corroborent les dires de la fille de Stefan Dorogov (un des « protégés russes » recueillis par Emile Boucher), qui dit que son père et ses compagnons d’armes russes ont participé à des transports d’armes et d’explosifs destinés aux opérations de résistance dans la région, à des actions plus « corsées » vis-à-vis des occupants et des collaborateurs ainsi qu’à des sabotages. En 1944, la ligne de chemin de fer qui traverse les communes de Tubize, Quenast, Rebecq et Braine-le-Comte (ligne SNCB 115) s’avérait stratégique pour les Allemands qui l’utilisaient pour acheminer de l’armement et du matériel militaire vers le front de l’Ouest. La surveillance de la zone par des troupes aguerries de la Wehrmacht représentait un danger supplémentaire de se faire arrêter. C’est ainsi qu’il y eut plusieurs éliminations de militaires allemands dans le secteur, opérées en particuliers par les Partisans russes.
Maryse Kestemont, une des témoins raconte également que certains groupes avaient la charge de « neutraliser » des dénonciateurs notoires. Ceux-ci étaient repérés par les agents de la poste qui captaient systématiquement les lettres adressées à la Kommandantur. Lorsque celles-ci dénonçaient des citoyens, les Résistants, aidé par les facteurs de la poste, tentaient de retrouver leurs auteurs et une fois que l’auteur était connu, on envoyait les hommes régler le compte des traitres. Si la méthode était expéditive, elle s’avérait nécessaire, car l’arrestation de ceux qui étaient dénoncés pouvait entrainer celle de bien d’autres Résistants.
Le 2 septembre, veille de la libération de Bruxelles par les Alliés et avant-veille de celle de Rebecq par des éléments des Irish Guards, nos Partisans russes ont participé activement aux combats ayant eu lieu au Montgras, contre l’armée allemande qui tente de fuir.
Les « Boches » s’y sont retrouvés à environ 150 hommes et plusieurs chars blindés. Une bataille a eu lieu et il y eut des morts. Parmi les civils, on compte parmi eux Fernand Baguet, Hubert Quivit, René Quick et Marcel Vanherweghen. Les Résistants présents sur les lieux du combat ne sont qu’une quinzaine et l’affrontement contre l’adversaire dix fois plus nombreux est très rude.

Photos d’un char allemand ayant été détruit lors de la bataille du Montgras à laquelle les « Russes » participèrent activement

Dans son témoignage, Lyudmila, la fille de Stepan Dorogov parle que son père et ses compagnons présents lors de la bataille du Montgras s’étaient réfugiés dans une grange à laquelle, les Allemands mirent le feu. Grâce à la présence d’esprit d’un des Partisans, ils purent se réfugier dans une fosse qui se trouvait là et purent ainsi échapper à une mort certaine, car l’incendie détruisit le bâtiment. Nous n’avons pas retrouvé d’éléments qui pourraient confirmer ou infirmer ces dires.
 Quant à l’ennemi, dix soldats allemands sont tués dans les combats. Leurs corps sont amenés à l’hospice, ainsi que les soldats de la Wehrmacht blessés dans les combats du jour. Les morts s’appelaient Karl Michel, Kartus Karl, Eckart F., Schafen F., Reteiner Hendrik, Ravell, 2 inconnus, Klinheid Hendrik et Müller. Nous possédons ces noms de la plupart de ces Allemands grâce au carnet que le fossoyeur communal de l’époque tient à jour. Il y consigne le nom de toutes les personnes qu’il a enterré ; s’il manque des noms ou que ceux-ci sont mal orthographiés, c’est probablement parce que notre fossoyeur n’avait pas reçu les indications précises de sa hiérarchie, la situation du moment étant plus que chaotique.
C’est donc le 4 septembre que tous les hommes tués dans les combats pour la libération de Rebecq sont enterrés. Les Résistants, dont fait partie Vladimir Talda, ont des funérailles en présence d’une foule nombreuse. Toutes les personnes ayant résisté et qui se trouvent à Rebecq ce jour-là participent à l’hommage.

Photos des funérailles des Résistants tués les 3 et 4 septembre 1944. On y voit l’hommage particulier rendu à Vladimir Talda, 19 ans qui fut tué en combattant.

Vue de la page du carnet du fossoyeur communal de Rebecq sur laquelle les noms des victimes belges, russe et allemandes sont inscrits.

Quelques jours plus tard, plusieurs Russes se font inscrire dans le registre de la population de Rebecq. Parmi eux, on trouve Stepan Dorogov. Ils sont domiciliés rue de la Cure, chez André Kestemont, leur chef. D’après la fille d’André Kestemont, ils souhaitent visiter la ville de Paris avant de retourner en Union Soviétique. Ils resteront quelques mois avant leur retour en URSS.
Page du registre des Etrangers contenant l’inscription de Stepan Dorogov

D’après un rapport F.I. émis début 1945, le retour des P.A. « russes » de Rebecq en URSS se fit à partir de Lille. Il n’a pas été possible de déterminer l’emploi du temps de tous ces soldats de l’Armée Rouge qui avaient accompli leur devoir de soldat en tentant de s’évader du lieu de leur détention. Ils avaient alors continué le combat aux côtés de la Résistance belge et plusieurs d’entre eux (plus de 200), avaient payé de leur vie l’engagement de vaincre le nazisme.
Les autorités de l’URSS avaient instauré un organisme appelé SMERSH (en russe : СМЕРШ », prononciation : « SMIERCH ») est la transcription anglaise d'un acronyme russe pour « Смерть шпионам ! » (Prononciation : « Smiert chpionam ! »), qui signifie « Mort aux espions ! ».
Smerch était le nom utilisé pour désigner les départements de contre-espionnage de l'armée soviétique durant la Seconde Guerre mondiale. Cette organisation était chargée de « passer au peigne fin » ceux qui s'évadaient de captivité ou de l'encerclement. Smerch était également utilisé comme instrument disciplinaire ou répressif contre les « opposants » (vrais ou présumés). L’organisme avait du pouvoir dans l'armée, mais normalement ne s'occupait pas de l’application des peines prononcées (emprisonnement, fusillade ou autres) car il n’avait aucune compétence judiciaire. Le NKVD, service de sûreté intérieure était plus impliqué dans cette « discipline ».
Son chef, Viktor Semionovitch Abakoumov, dépendait directement de Joseph Staline. Au même moment de la création de la branche Smerch de l'Armée rouge (formellement appelée la direction principale du contre-espionnage [GUKR] du Commissariat du peuple de la Défense, le NKO), fut aussi mis en place le Smerch de la Marine soviétique. Tant que l'Armée Rouge s'est déplacée à l'ouest, des bataillons d'agents du Smerch l'ont suivie, tuant des soldats considérés comme lâches, traquant tous ceux et celles qui s'opposaient à la règle soviétique. L'organisation fut chargée de retrouver Hitler mort ou vif à la fin de la guerre. Le Smerch fut officiellement dissous en mai 1946.) Source : Wikipédia
On ne sait pas ce que sont devenus tous « Russes de Rebecq », sauf Stepan Dorogov.
Dès son arrivée en URSS, il est envoyé dans un camp de concentration, à Solovki, dans le Nord du pays. Il en est extrait et est envoyé se battre en Extrême Orient contre les Japonais. Ce n’est qu’en 1947 qu’il revient chez lui, à Seraphimovka, au Kazakhstan. Il apprend que son épouse est partie avec un autre homme, abandonnant ses deux enfants. Quelques temps plus tard, il rencontre Lydia Fedorovna Schulz, dont les ancêtres étaient arrivés d’Allemagne en Russie, du temps de la Tsarine Catherine II. Ils se marieront et ensemble, essaieront de construire leur vie et celle de leurs enfants le mieux possible. Il décèdera en 1971 à l’âge de 54 ans. La découverte des informations concernant Stepan Dorodov est due à la constance avec laquelle nos recherches sont menées et aussi à une grande part de chance. Nous ne doutons pas que d’autres renseignements nous arriveront dans le futur et nous permettront de mieux comprendre l’histoire de ces hommes venus de si loin qui ont connu des expériences de vie terribles et avec qui, nos anciens avaient construit des amitiés de frères d’armes.
Photo montrant Stepan Dorogov et Vladimir Talda en compagnie de la fermière Tondeur et de sa fille. Cette photo prouve de manière indubitable la présence des Partisans russes à Rebecq : l’entrée de la ferme est très caractéristique.

Photo montrant Stepan Dorogov, Vladimir Talda et Valsili Denisevitch, Biélorusse d’origine


Les hommes


Stepan Dorogov
Stepan Afanasyevich Dorogov est né en 1913, à Seraphimovka, petite ville du Kazakhstan, dans le district d’Akmola. La famille était aisée, et possédait un moulin à vent. Il avait un frère Sergey et une sœur Natalia. En 1941, les deux frères, ainsi que le mari de Natalia s’engagent dans l’armée soviétique et partent pour le front. Seul Stefan reviendra chez lui. A l’instar de la plupart des familles d’Union Soviétique, celle de Stefan ne verra pas revenir plusieurs de ses membres.
C’est lors des combats menés à Stalingrad que Stepan est sérieusement blessé. (Pris par les Allemands, i)Il est amené inconscient dans un camp de prisonniers, quelque part en Ukraine, d’où tous les prisonniers sont transférés en Allemagne, dans un lieu situé près des frontières Ouest du Reich.
D’après le témoignage de la fille de Stepan, Lyudmila Stepanovna1, son père se serait échappé d’un camp d’internement en France. Il aurait parcouru bon nombre de kilomètres, accompagné d’une dizaine d’autres prisonniers pour arriver en Belgique. Il semble que les souvenirs de Lyudmila se soient quelque peu estompés au fils des 40 années écoulées.
Par contre, elle cite deux documents essentiels qui permettent d’affirmer que la réalité se trouve dans le témoignage de Maryse Caliman, née Kestemont. Elle est bien la fille du responsable du groupe Front de l’Indépendance (FI) qui prit en charge, début 1944, une quinzaine de fugitifs d’origine soviétiques captifs dans une mine des environs de La Louvière.
Lyudmila détient deux attestations confirmant l’engagement de Stepan Dorogov dans le groupe Partisans Amés. La première émane très probablement d’un responsable belge de la lutte armée ou d’une mine hennuyère qui dit en substance :
Ludmilla Dorogov, fille de Stepan (avec une casquette), sa fille et son petit-fils

« Le soussigné certifie que le prisonnier de guerre russe Stepan Dorogov a travaillé dans nos mines pendant l’occupation allemande du 20 mars 1943 au 10 janvier 1944. Il a ensuite disparu. Au cours de son travail, le nommé Stepan Dorogov a souvent été puni par les autorités allemandes (privation de rations, arrestation) pour ne pas s'être acquitté de ses tâches)». Nous n’avons pas d’information concernant l’auteur et signataire de l’attestation rédigée à l’attention des services de sécurité soviétiques appelés « SMERSH », après la guerre.
L’autre attestation est plus précise et émane du Corps des Partisans Armés :
« Moi, le commandant du premier bataillon du 023e Corps de l'armée partisane de Belgique, témoigne que le partisan russe Dorogov Stepan était sous mon commandement du 25 avril au 20 octobre 1944. Celui-ci a servi courageusement et participé aux opérations suivantes... Signé : le Commandant du premier bataillon 023 du corps d'Ignash (Ignace). »
Lyudmila Dorogova détient en outre plusieurs documents tels la carte d’identité délivrée à son père par la commune de Rebecq après la libération.
Lorsqu’il est retourné en URSS, Stepan Dorogov a été versé immédiatement dans les troupes stationnées à la frontière chinoise et dut combattre durant trois années contre les Japonais. Enfin libéré, il put rejoindre sa famille au Kazakhstan où il vécut jusqu’en 1971.
Lyudmila raconte que lorsque Stepan Afanasyevich Dorogov se rappelait la Belgique, il parlait avec enthousiasme de l’éclairage des rues, des réchauds à gaz, des véhicules servant à nettoyer les rues, bref, de choses inconnues dans sa région natale. Il aurait bien voulu avoir un visa belge et pouvoir revenir saluer ses amis belges avec lesquels, il avait combattu pour la Liberté !
Pendant des années, André Kestemont a multiplié les démarches auprès de l’ambassade soviétique et de l’association « Les Amitiés Belgo-Soviétiques afin de connaître le destin de Stepan et ses compagnons . On était en pleine guerre froide et tous ceux qui fréquentaient les milieux en relation avec l’URSS étaient surveillés par la Sûreté de l’Etat. Ce fut le cas d’André Kestemont qui, malgré cela, essaya, sans y parvenir, de renouer le contact avec ses amis « russes ».
Photos d’André Kestemont et de son épouse. André fut le chef du Front de l’Indépendance pour la région et à ce titre, commandait toutes les forces vives sous ses ordres, dont les P.A.


Les 5 Résistants russes qui furent inscrits à Rebecq après la libération :

Chichkine Mikhaïl, né le 25/05/1916 à Pitchura, marié le 15/10/1933 à Pitchura
Résidence à Rebecq: rue de la Cure, 42 - Arrivé en Belgique le 24/05/1944
Parents: père: Matwi (décédé) - mère: Fediwa Oustia, décédée.

Nikiforov Jakov, né le 21/09/1906 à Czremen, marié le 25/10/1934 à Czremen
Résidence à Rebecq: rue de la Cure, 42 - Arrivé en Belgique le 24/05/1944
Parents: père: Nikola (décédé) - mère: Aksonova Aksinia (Tafda, grand-rue, 70)

Karalkine Youri né le 3/04/1910 à Eltock, célibataire, domicilié à Vladivostok
Résidence à Rebecq: rue de la Cure, 42 - Arrivé en Belgique le 24/05/1944
Parents: père: Yvan (décédé) - mère: Natchinova Olga (décédée)

Jeffemov Piotr né le 2/12/1908 à Stalingrad, marié le 15/11/1934 à Stalingrad; conducteur de tracteurs
Résidence à Rebecq: chaussée de Saintes, 74 - Arrivé en Belgique en octobre 1942
Parents: père: Moïcejevitch (décédé) - mère: Keretchenkova
* Piotr ne participera pas aux combats de la libération. Dépressif, il fut caché à Bruxelles, dans l’appartement des Rowart où il resta jusqu’à la fin de la guerre.

Dorogov Stefan né le 10/01/1913 à Akmoliurzksi, marié le 5/09/1935 à Akmoliurzksi
Résidence à Rebecq: rue de la Cure, 42 - Arrivé en Belgique le 24/05/1944
Parents: père: Afanasi - mère: Adaiwa (décédée)

Denisevitch Vasil né le ? à ?
Bielorusse, Médecin - Arrivé en Belgique le 24/05/1944

Talda Vladimir né en 1925 à Ekaterinenbourg
Tué au combat le 3/09/1944 - Arrivé en Belgique le 24/05/1944
Il repose au cimetière communal de Rebecq.

W.B.

SOURCES

a. Archives du cercle d’Histoire de Rebecq
En premier lieu, nous nous sommes reposés sur la documentation du Cercle d’Histoire et de Généalogie de Rebecq. Nous avons découvert dans un ancien registre des étrangers que 5 citoyens soviétiques s’étaient inscrits dans la commune. Il s’agissait des Partisans Armés dont nous parlons plus haut.

b. Jeannette Nadle et Maryse Kestemont
Ensuite, c’est par une lettre que Jeannette Nadle, née Bergman, citoyenne des Etats-Unis nous a adressée en 2014 qu’une grande partie de l’histoire des « Russes » de la Résistance rebecquoise a pu être précisée. Jeannette nous apprenait qu’elle avait passé les six derniers mois de la guerre chez Jeanne Rowart, une habitante de Rebecq dont le mari, officier de l’Armée belge était prisonnier de Guerre en Allemagne. Jeannette était une adolescente d’origine juive née en Belgique en 1930. Sa famille était arrivée un an plus tôt venant de Pologne en espérant se rendre aux USA, mais les Américain avaient interdit l’immigration d’Europe à cette époque. La famille Bergman s’était alors installée à Bruxelles où le papa travaillait dans la confection d’habillement militaire. Durant l’occupation, ces gens vécurent cachés, le père travaillant toujours en cachette pour son patron. Début 1944, Jeannette eut une crise d’appendicite et il fallut l’opérer. Grâce à l’intervention de Résistants bruxellois, l’enfant put être opérée et il fut décidé qu’elle ferait sa convalescence à la campagne, la cachette dans laquelle vivait la famille n’étant vraiment pas un endroit approprié pour recouvrer la santé. C’est ainsi qu’elle arriva chez Mme Jeanne Rowart qui se chargea de son éducation durant cette période. Cette dame faisait partie de la Résistance et accueillait chez elle des Résistants recherchés par la Gestapo et des aviateurs survivants du crash des avions britanniques et américains tombés dans la région. Elle faisait partie du réseau des Partisans Armés, la branche combattante du Front de l’Indépendance de tendance de gauche. Le chef de la section locale était Albert Kestemont dont la fille, Maryse vit toujours.
Jeanne Rowart, Résistante rebecquoise qui hébergea de nombreux Résistants, aviateurs et Partisans russes dans sa demeure. Elle est avec Jeannette Nadle, née Bergman, juive polonaise qu’elle protégeait durant la guerre. A ce titre, Jeanne Rowart a été déclarée « Juste parmi les Nations.

Lors d’une visite que nous avons faite à Maryse, elle nous avait dit qu’elle se souvenait de Jeannette. Lorsque Jeannette Nadle-Bergman arriva avec toute sa famille en septembre 2014, nous l’avons accueillie en compagnie de Maryse Kestemont. Les deux femmes se sont reconnues immédiatement, bien que le temps avait fait son œuvre. Jeannette avait apporté avec elle des photos importantes qui nous ont permis de confirmer ou d’infirmer de façon catégorique les faits ayant émaillé la période qui nous concerne à Rebecq et dans les environs.
L’auteur, Wilfred Burie est entouré de Jeannette Nadle (droite) qui était revenue à Rebecq depuis les USA où elle a passé sa vie et de Maryse Kestemont, la fille du chef des FI de Rebecq. Les deux femmes s’étaient souvent rencontrées lors qu’elles étaient adolescentes, en 1944 et s’étaient perdues de vue après-guerre. Les retrouvailles eurent lieu en 2014 à Rebecq. L’auteur a montré aux deux témoins les photos des Russes de Rebecq. Elles les ont directement reconnus, en leur attribuant sans hésitation leur nom.


c. S/LT Pilot Alfred Sanders, USAAF

Le Sous-lieutenant aviateur Alfred Sanders, USAAF
Nous avons eu connaissance du rapport du Sous-lieutenant aviateur Alfred Sanders dont l’avion s’écrasa à Henripont (commune de Braine-le-Comte) et qui fut récupéré par la résistance locale. Il fut amené vers une cache à Hoves (commune de Silly) pour être redirigé à la ferme Tondeur à Wisbecq, après une descente de la Gestapo. A Hoves, il rencontra 17 hommes, tous issus de l’armée soviétique ayant été capturés par les Allemands, sur le front de l’Est et emmenés en tant que prisonniers, en Belgique pour y travailler dans les mines de charbon. Dans son rapport, l’Américain cite Jeanne Rowart, chez qui il a été hébergé pendant quelques jours et la jeune juive Jeannette Nadle.

d. Article de Droztik Magazin - Kazakhstan
L’article contenait, outre le précieux témoignage de la fille de Stepan Dorogov, des photos le montrant à la ferme Tondeur, à Wisbecq (Rebecq) à l’époque. Nous avions copié l’article et les photos, à l’époque. Puis nous avions tenté de contacter l’auteur de l’article en écrivant à la rédaction de la revue. Hélas, directement après notre intervention, l’article a été effacé du site.

Epilogue

Depuis, nous avons instauré un Mémorial National dédié aux Partisans Armés soviétiques en Belgique – 1944-2019 qui a été inauguré le 12 octobre 2019, au cimetière communal de Rebecq. Cette cérémonie a marqué le point de départ d’une profonde amitié entre les autorités de la Fédération de Russie et l’association « The Belgians Remember Them », à l’initiative de cet événement.
Le Mémorial est constitué d’une plaque mémorielle écrite en français et en russe installée au-dessus de la tombe du Partisan Armé Vladimir Talda. Le gouvernement russe avait délégué M. Alexander Kinshtein, Député à la Douma, M. Konstantin Mogilevskiy, Directeur de la Fondation Historique et Patriotique de Russie et Mme Mme Maria Poushkova, recteur du Centre d'études Benelux de l'Université de Moscou.


L’auteur

Wilfred Burie est un passionné d’histoire et particulièrement celle de la région où il réside : Rebecq, en Brabant Wallon, Belgique. Archiviste du Cercle d’Histoire et de Généalogie de Rebecq, c’est à ce titre qu’il a collationné tous les documents et témoignages se rapportant à la période de la Deuxième Guerre Mondiale.
En 2011, il fonde un Mémorial dédié aux membres de l’équipage d’un bombardier du 550 Squadron de la Royal Air Force qui s’était écrasé dans la commune le 28 mai 1944 et aux 22 civils rebecquois qui furent arrêtés et déportés pour avoir secouru les deux survivants du crash.

L'Ambassadeur, Alexander Tokovinin remettant la médaille à Wilfred Burie
Dans la foulée, il entreprend les recherches concernant les autres appareils de l’escadrille tombés en Belgique. Cinq avions s’étaient également écrasés dans le pays et un Mémorial a été chaque fois instauré.
C’est en 2017 qu’il décide de créer une base de données reprenant tous les cas de crashs d’avions de la RAF survenus en Belgique entre mai 1940 et mai 1945. C’est à ce moment qu’il change le nom de l’association qu’il avait fondée en 2011. De « Mémorial de Rebecq », celle-ci devient «The Belgians Remember Them ». Ce changement a permis à l’association d’avoir une reconnaissance au niveau national et international.
Parallèlement aux recherches historiques se rapportant aux victimes de la RAF, il entame des recherches relatives aux Prisonniers de Guerre soviétiques captifs des Allemands en Belgique ayant œuvré au sein de la Résistance Belge. Ce travail découle sur la constitution d’une autre base de données qui leur est dédiée. Celle-ci est en cours d’élaboration.
Auteur de plusieurs ouvrages historiques, Wilfred Burie déclare volontiers que l’Histoire ne nous appartient pas, elle est l’héritage que nous léguons aux générations suivantes. Nous devons faire en sorte de leur présenter ce patrimoine le plus complet possible.
Le 22 octobre 2020, Wilfred Burie, Président de l’association « The Belgians Remember Them » était convié à l’Ambassade de la Fédération de Russie, à Bruxelles en vue de se voir remettre la distinction honorifique attribuée par le Ministre des Affaires Etrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov pour le travail de mémoire accompli envers les Partisans Armés russes ayant combattu aux côtés de la Résistance Belge en 1943 et 1944.
La cérémonie de remise s’est déroulée à la résidence de l’Ambassade

Partager cette page

S'abonner à « Méthode »


Saisissez votre adresse mail dans l'espace ci-dessous : c'est gratuit et sans engagement

Nous contacter